L’étrange affaire Angelica (Portugal – 1h35) de Manoel de Oliveira avec Pilar Lopez de Ayala, Ricardo Trepa, Filipe Vargas…

L’étrange affaire Angelica (Portugal – 1h35) de Manoel de Oliveira avec Pilar Lopez de Ayala, Ricardo Trepa, Filipe Vargas…

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Voyage au bout de l’ennui

Un long plan oblique d’une rue portugaise filmée la nuit, et dont les pavés sont éclairés par quelques lampes alignés : le décor, tout droit sorti d’un vieil appareil photo argentique ou d’un livre de Carlos Ruiz Zafon (L’ombre du vent), est planté. L’étrange affaire Angélica, dernier film de Manoel de Oliveira, peut commencer. Nous y suivons les aller-retours du photographe Isaac entre l’hôtel qui l’héberge, siège de ses rêves et hallucinations, des ouvriers qui bêchent en chantant sous l’œil de son objectif, et la pension de Dona Rosa, mère de la défunte Angélica dont il s’éprend sur son lit de mort. A 102 printemps, Manoel de Oliveira semble de plus en plus affectionner la lenteur dont il fait l’éloge ici, signe possible du temps que se permet de prendre le sage. Le mouvement est donc délaissé au profit de plans fixes, à la limite de la peinture. Des scènes intimistes dans la famille d’Angelica évoquent ainsi un Georges de La Tour, tandis que les paysages en extérieur rappellent par moments un certain Vermeer. Photographie, peinture… les arts visuels sont donc à la fête ici. Cet usage esthétisant de la caméra rythme des journées ordinaires pendant lesquelles les vignobles sont vendangés et les nuits imagées qui sont le théâtre des visions d’Isaac. Hélas, à trop vouloir pousser loin le bouchon de la contemplation, le réalisateur portugais ennuie son spectateur qui aimerait sortir de ce rêve devenant bientôt interminable. La première partie du film ne manque pourtant pas d’attraits. Amoureux d’une époque révolue, où l’on pouvait photographier des ouvriers agricoles à l’œuvre et non des machines, et subjugué par une femme décédée, Isaac cherche sa place dans un présent qui lui est étranger. Cette réflexion subtile, sur la dissociation entre le temps des sentiments et celui de la vie, est malheureusement noyée dans une histoire trop simple à l’esthétique endormante qui ne peut contenter même le plus patient des spectateurs. A vos cafés, prêts, partez.

Guillaume Arias