Retour de Scène | Fin de la 4e partie par la Cie Peanuts
Jeune espoir
Malgré une thématique aux abords complexes, si Fin de 4e partie s’adresse au jeune public, c’est qu’il y est question d’avenir. Comment rêver le monde de demain ? Ouvrir une fenêtre, une petite lucarne qui, le temps de la représentation, éveille les sens, pour que la jeunesse trouve mieux la force de résister à nos travers à tous.
C’est le dernier homme, un clochard attachant et un peu clown (excellent Jean-Christophe Petit) qui entre péniblement sur scène une chaise sur le dos en trimbalant des breloques accrochées à ses vêtements comme les scories régénératrices d’un passé dont il ne veut pas perdre la trace. Il s’effondre et un petit véhicule lunaire surmonté d’un poisson rouge dans son aquarium vient à sa rencontre, comme si l’homme était l’équivalent du monolithe noir de 2001, l’Odyssée de l’espace visité par le poisson rouge de Beckett.
Un employé froid et appliqué dans sa tenue réglementaire tire alors une feuille de l’aquarium, un texte qu’il pose près de l’homme couché au sol, qui se relève alors pour l’adresser au public. Il s’agit d’une tentative de construire une communauté avec la chaise, un paysage instable, deux garçons et une fille qui ont amené une table car il faut bien que chacun apporte sa pierre à l’édifice.
Mais rien ne va se passer comme prévu. Car à part l’homme, les autres personnages ne sont que des instances numériques aux désirs atrophiés, indéterminés, aux identités génériques et consensuelles, des cyclopes aux yeux immenses et omniprésents qui en viendront à déchirer le paysage pour questionner férocement l’homme comme dans la série Le Prisonnier. L’homme est le seul être complet, les autres ne sont que des morceaux, des bouts d’êtres que fabrique une société régie par le numérique. Ils sont efficaces mais sans âme, ils n’existent qu’à moitié et ne sont jamais maîtres de tous leurs organes en même temps. L’homme se trouve alors pris dans une boucle répétitive dont il ne pourra sortir qu’en réécrivant la scène pour la jouer au théâtre, mais peut-être est il déjà trop tard ; d’ailleurs, les projecteurs tombent comme des masques, brutalement, en perforant le plateau, un cauchemar absurde se profile. Mais le désir de jouer est plus fort que tout.
La compagnie Peanuts propose un spectacle drôle, intelligent et très adulte en direction des enfants pour les faire réfléchir poétiquement aux dangers d’une société qui met en suspension ce que nous considérons spécifique et constitutif de l’espèce humaine : la convivialité. C’est un réquisitoire décapant et plein d’humour sur la standardisation des esprits. La technologie qui fait les gros yeux dès que l’humain, ce clown anarchiste, vient encombrer la gestion de notre espèce y est aussi prétexte à d’impressionnants effets spéciaux. Les enfants que cette technologie réduit à des agents d’une dictature de la visibilité (au moment d’entrer dans la salle, on pouvait entendre l’un d’eux demander « Et le pass sanitaire, maman ? ») et qui, par leur prise de conscience, pourront — espérons le — nous sauver des périls qui nous menacent… Comme disait Higelin dans Alertez les bébés :
« J’ai vu un jour
Cent mille enfants,
Serrer dans leur poing
L’étendard de l’amour révolté. »
Olivier Puech
Fin de la 4e partie par la Cie Peanuts était présenté les 10 & 11/12 à la Friche La Belle de Mai par le Théâtre Massalia.
Prochaine représentation : le 6/01/2022 au Théâtre Durance (Château-Arnoux-Saint-Auban, 04).
Rens. : www.theatredurance.fr/
Pour en (sa)voir plus : www.compagnie-peanuts.com