Rétrospective FJ Ossang à la Cité du Livre
Les larmes d’Ossang
L’Institut de l’Image continue sur sa lancée et nous offre le point d’orgue de la saison, en invitant le réalisateur français François Jacques Ossang, pour une rétrospective inédite et absolument essentielle.
Dans l’univers pasteurisé du cinéma français, les cinéastes en lutte ont disparu du paysage, errant dans un no man’s land maudit, cadenassés par le système, dans le but de ne pas trop agiter cette fourmilière ronronnante mais juteuse. Tout est fait, en termes d’économie et de distribution, pour ne pas laisser poindre la moindre anarchie, propre à réveiller les consciences. Quelques films ont ces derniers temps ébranlé le landerneau parisianiste, malgré une diffusion plus que confidentielle : l’éternelle jeunesse de Wiseman, la fulgurance extrême des Bas fonds d’Isild le Besco, et surtout le grand retour de François Jacques Ossang, alias FJ, et son époustouflant Dharma guns (la succession Starkov). Un vrai cinéaste punk, à qui l’Institut de l’Image rend aujourd’hui hommage, avec la diffusion de ses quatre longs et d’une poignée de courts-métrages. Après deux objets cinématographiques non identifiés, L’affaire des Divisions Morituri et Le trésor des Iles Chiennes, Ossang avait gagné ses galons de réalisateur brillant en enrôlant un Joe Strummer inspiré dans son Docteur Chance, devenu culte pour tout amoureux d’un cinéma foutraque et lumineux. Le rock, et par extension le punk, a toujours été le fil conducteur de ce touche-à-tout génial, musicien par ailleurs dans les oubliés DDP (De La Destruction Pure) et MKB Fraction Provisoire. Dans son premier long, il n’hésite d’ailleurs pas à faire appel à ses camarades de Lucrate Milk, groupe de punk parisien du début des 80’s, pour un film qu’il qualifiera lui-même de « cinéma insurrectionnel ». Dharma guns, son dernier opus, le rappelle : FJ Ossang n’a rien perdu de sa fougue, de sa colère, de sa noblesse. Une énergie peut-être favorisée par la manière de travailler du cinéaste, adepte du Do It Yourself, échappant tant bien que mal aux diktats des règles économiques qui régissent le métier. Les critiques les plus puristes ont trop souvent reproché à Ossang son penchant prononcé pour les références. Ses œuvres transpirent en effet de modèles plus que fréquentables : le cinéma muet, avec une prédilection pour l’esthétique expressionniste, le punk, Burroughs, la Factory, l’anarchisme armé. Nevermind (the bollocks), la projection de ses films reste un moment de pur bonheur, d’expériences visuelles et sonores tourbillonnantes. Toute l’imagerie underground y est torturée, multipliant les techniques narratives parfois absconses, jouant du rythme et de la narration elle-même. Cerise sur le gâteau, le cinéaste se déplacera à Aix, accompagné d’Elvire, actrice possédée, déjà présente dans Ciel éteint et Docteur chance. Une occasion de découvrir un univers à nul autre pareil, totalement inclassable au sein d’un cinéma français aujourd’hui vidé de sa moelle.
Texte : Emmanuel Vigne
Photo : Docteur Chance
Rétrospective FJ Ossang : du 6 au 12/04 à la Cité du Livre (8/10 rue des Allumettes, Aix-en-Pce). Rens. 04 42 26 81 82 / www.institut-image.org