Rencontres Internationales de Cinéma d’Aflam
Mémoire vive
Après deux années d’absence, la neuvième édition des Rencontres Internationales de Cinéma d’Aflam, consacrées aux cinématographies du Maghreb et du Moyen-Orient, déploiera une programmation passionnante dans une poignée de lieux marseillais, ouvrant les regards sur les diverses productions du monde arabe.
Avec les événements récents, cette réalité nous apparaît aujourd’hui plus prégnante : nous sommes, en Occident, intimement liés aux enjeux internationaux géopolitiques, bien plus que nous ne l’imaginions. Les révolutions qui ont sismiquement touchés les pays du Maghreb et du Moyen-Orient voilà plus de dix ans ont fini par irradier, même indirectement, sur l’ensemble des continents. Ces révolutions sont aussi les nôtres, ces guerres sont les nôtres, ces mouvements sociaux tout autant. Tel un effet papillon, le sort de chacun est celui de tous, et nous — en premier lieu les mass médias — serions plus qu’inspirés de transformer nos regards sur l’évolution des sociétés arabes. C’est dire l’importance majeure du travail d’Aflam, à Marseille, au fil de toutes ces années, a fortiori avec l’événement porté par l’association depuis neuf éditions, les Rencontres Internationales de Cinéma. Nous avons toujours salué la puissance de la création cinématographique venue du Maghreb et du Moyen-Orient, l’une des plus percutantes qui soient : avec cette nouvelle programmation, histoire, transformations des sociétés, espaces de transmissions construisant l’avenir sont indéfectiblement imbriqués, et semblent opérer une autre révolution dans les sociétés arabes, dont le cinéma se fait particulièrement le reflet.
De fait, c’est non sans plaisir que nous retrouvons l’équipe d’Aflam, qui revient après deux années d’interruption liées à la crise sanitaire : du 24 mars au 3 avril, cette neuvième édition investira divers lieux de la cité phocéenne, du Mucem au Polygone Étoilé, en passant par Videodrome 2 ou la Fabulerie. Une programmation toujours aussi riche, et dont les axes nous invitent à une profonde réflexion sur la modernité des sociétés arabes, en reflet avec son histoire : en pénétrant plus avant la question de l’image d’archives, ce matériau brut dont il nous faut démêler le rapport au réel, et en la confrontant à l’ordre social contemporain, cette nouvelle édition des Rencontres Internationales de Cinéma d’Aflam ouvre des brèches de réflexion des plus passionnantes ! Ce fil d’Ariane se retrouve dans des œuvres telles qu’Avant le déclin du jour d’Ali Essafi ou Mapping Lessons Philip Rizk, voire dans le beau documentaire de Lina Soualem, Leur Algérie, la réalisatrice utilisant les images d’archives filmées par son père pour tirer ce fil de l’histoire familiale. Cette question de l’histoire des images sera d’ailleurs débattue lors du café-ciné Réactualiser les archives pour une histoire au présent.
Un cinéaste majeur sera par ailleurs mis à l’honneur lors de cette neuvième édition, Merzak Allouache : ce natif d’Alger démarra sa carrière dès la fin des années 60, avec son film diplôme, Croisement. Dès les années 70, ses longs métrages, souvent primés en festivals, oscilleront entre comédies et cinéma engagé, reflétant toute l’humanité d’un monde en devenir, dans un geste toujours renouvelé, imprimant sur pellicule la représentation d’une jeunesse témoin des évolutions de la société algérienne. Outre la rencontre proposée avec le cinéaste, les opus Omar Gatlato, Bab El-Oued City, Normal !, Madame Courage ou Des femmes viendront témoigner, dans cette nouvelle programmation, de l’importance d’un réalisateur comme Merzak Allouache.
Autres rendez-vous marquants de ces rencontres, les séances proposées au Polygone Étoilé : avec la mise en lumière des cinéastes engagés, qui ont accompagné les luttes sociales (de René Vautier avec Algérie en flammes à Mustafa Abu Ali avec Tal al Zaatar), avec le cinéma des réalisatrices pionnières du documentaire (Sophie Ferchiou pour Les Ménagères de l’agriculture ou Nabiha Lotfy pour Parce que les racines ne meurent pas), les espaces d’échanges propres à ce lieu incontournable du quartier Massabo se révèleront sans nul doute passionnants.
Enfin, de nombreux films complètent une programmation des plus exaltantes, de 40 années et une nuit de Mohammed Alholayyil, à Death of a Virgin, and the Sin of Not Living de George Peter Barbari, en passant par Le Marin des montagnes de Karim Aïnouz, Liban 1982 de Oualid Mouaness ou L’Étranger de Ameer Fakher Eldin, sans omettre la production saoudienne, qui a opéré une véritable révolution dans son soutien au cinéma depuis une poignée d’années.
Emmanuel Vigne
Rencontres Internationales de Cinéma d’Aflam : du 24/03 au 3/04 à Marseille.
Rens. : http://www.aflam.fr/edition-2022/
Le programme complet des Rencontres Internationales de Cinéma d’Aflam ici