Edito 280

Edito 280

De l’autre côté de l’amer

Le vent chaud venant de la Méditerranée avait apporté la bonne nouvelle. C’est le printemps au Maghreb et au Machrek. Partie de Tunisie, la bourrasque populaire a abattu les murs des vieilles dictatures en Egypte et en Lybie. La girouette française n’avait pas senti le courant d’air. Grippée, elle ne s’est remise dans le bon sens qu’avec retard. L’été venant avec son afflux de visiteurs, elle n’a pas voulu s’en laisser conter. Elle a annoncé l’orage. Des migrants tunisiens ont bravé mer et route pour parvenir aux frontières de la vieille Europe. L’Italie la plus proche leur avait réservé un accueil mitigé. Elle leur avait tout de même ménagé un permis de séjour provisoire pour circuler jusqu’à la destination de leur choix dans l’espace européen. Ils ne pouvaient pas imaginer que les nuages menaçants s’amoncelleraient sur la Côte d’Azur et la Provence au mois de mai. Les gendarmes et les gendarmettes ont enfilé leur costume noir pour les attendre à la descente du train. Contrôles au faciès et arrestations en masse sur ordre du brigadier chef de l’Intérieur sont notamment intervenus à la porte d’Aix, lieu de rassemblement. Depuis le 16 avril, cent quarante Tunisiens interpellés en provenance de Vintimille ont été mis à l’ombre dans les centres de rétention administrative de la région, Marseille en particulier. La préfecture des Bouches-du-Rhône a tenté d’éconduire ces candidats à l’accueil hors du pays. Leurs droits foulés au pied, les juges saisis de leurs cas ont remis en liberté plus d’une centaine d’entre eux grâce à la mobilisation de militants et d’avocats combatifs. Une bataille remportée, mais la guerre fait rage ailleurs. Le gouvernement a annoncé vouloir suspendre les accords de libre circulation des personnes en Europe et restreindre l’immigration légale. Signe d’une peur aussi irréelle que volontairement propagée, l’hexagone se mue mesquinement en forteresse. La mutinerie s’impose.

Victor Léo