Le Fil Rouge par le Théâtre Poussière
Au fil de l’autre
Le Théâtre Poussière tire sur Le fil rouge de la découverte de soi, de l’autre et de la différence, pour mettre en scènes quelques étapes marquantes de la construction d’un individu et livrer un joli spectacle sur le passage à l’âge adulte.
Quand le spectateur entre dans la salle, les comédiens, immobiles tels des jouets abandonnés dans un décor de grenier de campagne, sont déjà sur scène. Une boîte à musique installe le public dans un univers de miniatures, de figurines, de poupées. Au premier plan d’ailleurs, de vrais jouets, chevaux de bois minuscules, livres et dînettes complètent le décor de grenier, cet endroit un peu hors du temps où s’accumulent souvent les souvenirs, les joies et les peurs de plusieurs générations. L’espace — central, lui — dans lequel ces « objets » (les comédiens) vont prendre vie est délimité par le fameux fil rouge qui donne son titre au spectacle et trace un rectangle, partagé entre le drapé noir qui sert de fond et le sol. La musique nous entraîne ensuite vers un univers plus adulte et nocturne de cabarets, lieux où peuvent se côtoyer des spectacles en tout genre, de la magie à l’érotisme, en passant par les chansons. Une fois animés, les comédiens adoptent un ton de bonimenteurs dans une ambiance de foire. Avec le texte apparaît immédiatement l’amour des mots qui anime Erell Guillo et sa gourmandise à les dire, en dépit de quelques vers aux diérèses capricieuses. Chaque texte est alors présenté comme un numéro de ce cabaret imaginaire : qui sait d’ailleurs si nous ne sommes pas toujours dans ce grenier, à contempler des enfants s’essayant à des personnages pour construire le leur ou découvrir leur être ? Soit, par mimétisme dans le texte initial, en se confrontant à la différence et au jugement, soit en se jouant des mille et une références qui peuplent l’esprit. Les numéros proposent un crescendo partant de la reconnaissance de la différence, jusqu’à flirter dans le texte final avec la schizophrénie, l’ambiguïté, avant d’embrasser une forme de délivrance. Ce dernier texte remet, via quelques phrases plus denses en émotions, les choses en perspective : le fil rouge, en plus d’être celui, symbolisant la vie, que l’acteur enjambe précautionneusement et avec un respect ostensible, est aussi celui qui court entre toutes les étapes initiatiques de l’enfance jusqu’à l’âge adulte. Les différentes séquences musicales de l’ouverture s’enchaînent ensuite en ordre inverse, à l’exception de celle de la boîte à musique. Il est vrai que nous sommes grands maintenant.
Frédéric Marty
Le Fil Rouge était présenté le 16/04 à l’Espace Bellegarde (Aix-en-Pce) et les 21 et 22/04 au HangArt (Marseille)