Trafic, salon de l’édition indépendante
L’édit gaga
Le Frac accueille la première édition du salon de l’édition indépendante Trafic, qui mettra en avant éditeurs, artistes, étudiants, librairies et ateliers, ainsi que quatorze écoles d’art. L’occasion, pendant deux jours, de célébrer et contempler cette facette de l’art contemporain, du fanzine au numérique, et son éclectisme de support et de sujet.
Cette première édition en rappelle d’autres, car le salon de cette année en regroupe en fait deux précédents : Rebel Rebel et Mise en Pli, respectivement dédiés aux fanzines et à la microédition.
Trafic profite de ce regroupement pour diversifier les formats et les influences : on part d’une sélection de fanzine dont l’essence est d’être un journal libre, sans contrainte ni de forme, ni de contenu. Le fanzine représente avant tout un état d’esprit avant d’être un support : une attitude rebelle — pour reprendre l’ancien nom du salon dédié — qui ne suit pas les codes de la presse. Ce contrepied aux méthodes institutionnelles laisse plus de liberté à une pluralité de sujets et de formats, transformant chacun des fanzines en œuvre d’art à collectionner. Au même titre, on retrouve cette liberté en microédition, dont les faibles tirages permettent de travailler l’objet de lecture avec soin, contenu et contenant devenant sujet d’art plus qu’objet pensé pour une commercialisation de masse.
Notons qu’outre l’édition papier, des labels et des projets numériques sont également invités afin de représenter avec plus de fidélité la création contemporaine de média.
Cœur sur toi, par exemple. Un label lancé au départ avec une compilation en hommage à Chispita, feu le chihuahua de Laurent (le créateur du label), dans une volonté d’imiter la compil de Sophie Calle pour son chat Souris : « Je me dis qu’il n’y a pas de raison que Chispita n’ait pas sa compil. Je lance un appel aux artistes que je connais et je me retrouve avec quatorze morceaux consacrés à mon chien. Puis il y a le confinement. Et je me prends au jeu. Je me souviens qu’à la fin des années 90, j’avais déjà un petit label cassette et que c’était chouette. Et voilà, j’en suis à presque cinquante sorties, essentiellement des cassettes. J’ai toujours aimé l’objet cassette. Visuellement, déjà. Ce petit rectangle qui essaie de viser le livre de poche mais qui n’y arrive pas. J’aime aussi le fait qu’on ne puisse pas facilement zapper. J’aime pas le zapping. » Le label, spécialisé en cassettes et créé spontanément donc, sort aujourd’hui des sons comme « de la techno Linkedin », du hip-hop lo-fi, en passant par la mixtape de raï, en nous promettant plein de surprises.
Parmi la pléthore d’éditeurs présents, notons 16b Éditions, une maison qui se démarque par « un esprit malin, teinté de poésie, de sarcasme et de sociologie humoristique » et créée pendant… une colocation (au 16b rue Molsheim). Depuis deux ans et demi, ses deux créatrices, Lou Vegas et Angela Netchak, proposent des collections d’images et d’informations, des formes éditoriales variées, des commentaires postés sur le compte d’Emmanuel Macron (et ceci en collaboration avec Juliette Georges), des bougies selfies, et des écharpes de supporters avec des messages inclusifs. « En faisant le pari que ça va faire marrer. »
Allons faire un tour du côté des Éditions P. Son fondateur, Denis Prisset, qui a commencé en publiant des posters et des multiples d’artistes, mentionne l’importance de la conception pour ses éditions. La première de ses collections, « Sec au toucher », n’est ainsi définie que par son format, 20 x 27 centimètres, en noir et blanc, et regroupe des projets aux contenus différents. Le travail d’éditeur, pour Denis Prisset, doit être transparent, en créant des objets sans les marquer, comme un producteur de son pourrait opérer, pour faire « monter en régime, en qualité, en interprétation une masse de données préexistante, et lui donner toutes ses chances. ».
Finalement c’est autant d’individualités que d’œuvres que l’on part rencontrer pendant deux jours : une pluralité de formats, libres, inclusifs et créatifs, qui laissent entrevoir une avant-garde de l’écriture, dans son support comme dans son sujet.
Et, histoire de célébrer cette créativité tout azimut, une soirée est prévue le samedi aux Grandes Tables de La Friche autour d’un bingo, de performances et d’un show de dragqueens, le tout suivi de Dj sets proposés par les artistes exposés !
Mohamed Boussena
Trafic, salon de l’édition indépendante : les 21 et 22/05 au Frac PACA (20 boulevard de Dunkerque, 2e).
Rens. : www.fracpaca.org
Soirée Trafic : le 21/05 à partir de 19h30 aux Grandes Tables de la Friche (41 rue Jobin, 3e).