Africa Fête
Diasporama
Du 21 au 30 juin, la dix-huitième édition du festival Africa Fête donnera la parole à nombre d’artistes issus de la diaspora. Musique, littérature, danse… les arts se feront passerelles entre les cultures, vecteurs de questionnement sur ce patrimoine immatériel, sur la notion d’universalité, sur les héritages et leurs influences contemporaines.
L’an dernier, l’édition était particulière, de par son caractère restrictif, d’une part, mais aussi car elle s’inscrivait dans le cadre d’Africa 2020, initiative de l’Institut Français. L’Afrique était donc à l’honneur, et les institutions avaient de ce fait envie de faire résonner le point de vue africain en lien avec la culture. « Pour Africa Fête, l’Afrique n’est pas juste une saison ou une programmation ponctuelle, mais bien dans notre ADN depuis plus de dix-huit ans », précise Mialy Ralijaona, nouvellement à la direction du festival.
Cette année est également particulière, car de transition, au vu de ces changements d’équipe. La directrice historique, Cécile Rata — fondatrice de la structure en 2002 à la Friche la Belle de Mai et jusqu’alors présidente de l’association du CA — quitte le projet. « Nos valeurs restent cependant les mêmes : promouvoir la diversité des cultures africaines et promouvoir des artistes du continent et de la diaspora. » Cette année comme les autres, la parole sera donnée aux artistes musicaux mais également aux associations, aux artisans créateurs et aux poètes, qui partageront tous leur vision de l’Afrique. « On veut faire perdurer l’esprit des chants d’indépendance avec lesquels est arrivé en France Mamadou Konté, le créateur du festival, dans les années 70, tout en faisant un pont avec l’Afrique contemporaine. »
Mamadou Konté, humaniste panafricaniste, est venu en France pour travailler dans les usines, et a rejoint à son arrivée des foyers africains. Il crée la première édition d’Africa Fête en 1978, en faisant par la même connaître des artistes comme Manu Dibango. Il collabore alors avec des radios libres comme Radio Nova. « C’était la période de l’âge d’or de la musique africaine, à Paris comme à Londres. »
Cette année, l’accent est mis sur les artistes féminines émergentes dès la première soirée, l’organisation ayant noté qu’un manque notable de visibilité leur était accordée. Ainsi, elles peuvent raconter leur rapport à la double identité. L’envie profonde des organisateurs serait alors, au-delà de la musique, de faire parler les langues entre elles, de questionner la vision du monde des artistes, de raconter la richesse de leurs cultures d’origine, de leur rencontre avec leur citoyenneté active dans la cité. « Un jeu de tambour n’est pas que de la percussion, beaucoup de messages y transitent, et nous, Africa Fête, avons la responsabilité d’accueillir et de défendre ce patrimoine immatériel. ». Les deux artistes du projet Vagabondaz, par exemple, originaires de la Réunion et de Mayotte, racontent justement l’histoire liée à cette culture marquée par l’esclavage, en même temps que le leur culture marseillaise et française. Nadia Ammour chante quant à elle en kabyle, des chants d’exil, universels. La musique prend une dimension politique. Dj Waka, par exemple, est une dj afro futuriste très engagée dans le milieu queer, qui parle à travers les musiques urbaines des conditions des minorités racisées ou genrées.
Le démarrage le jour de la Fête de la Musique n’est pas un hasard : cet événement festif rassemble talents amateurs et professionnels, à l’image du festival. « Dans les années 70, les premiers événements d’Africa Fête accompagnaient des événements très militants pour les droits des travailleurs immigrés, par exemple, mais toujours dans un environnement festifs, où la musique était une arme revendication. La Fête de la Musique est dans cette lignée. » Cette première soirée aura lieu à Archipels, un tout nouveau lieu du centre ville, qui a justement vocation à faire dialoguer les cultures.
Très ancré dans le quartier de la Belle de Mai, il s’installe, dès sa première édition il y a vingt ans, à la Friche. Populaire et ouvert à toutes les diversités, il travaille avec diverses associations du quartier et « tisse avec les habitants ». Aussi, le festival a plusieurs partenaires culturels historiques tels que le cinéma le Gyptis, où, entre autres, une projection débat autour du film MarseilleS de Viviane Candas est organisée (le 23). Le film documentaire relate la création de Radio Galère et la montée du Front National à Marseille dans les années 70. Les protagonistes de l’époque seront d’ailleurs appelés à témoigner lors de la projection, vingt ans plus tard. L’AMI, ami de longue date, accompagne Africa Fête sur le concert de Capitaine Alexandre, slameur poète qui présentera un spectacle sur l’exil, accompagné d’une guitare et d’une kora (le 26).
La programmation est d’une richesse qui n’a d’égale que l’étendue des cultures africaines. Avec pour poumon le village associatif installé à la Friche pendant toute la durée du festival, certains rendez-vous fédérateurs semblent incontournables, tels que la soirée de concerts à l’Espace Julien (le 22), mettant à l’honneur une programmation cap-verdienne avec la chanteuse Teresa de Jesus et le groupe mythique Ferro Gaita, qui fêtera à l’occasion ses vingt cinq ans de carrière.
Citoyen, communautaire et populaire, le festival Africa Fête n’a de cesse d’ancrer dans l’actualité ses valeurs fondatrices tournées vers l’autre.
Lucie Ponthieux Bertram
Africa Fête : du 21 au 30/06 à Marseille.
Rens. : www.africafete.com
La programmation complète ici