C’est arrivé près de chez vous | Le Musée Cosquer Méditerranée
Réplique culte
Ouvert dans le bâtiment de la Villa Méditerranée, à deux pas du Mucem, après moins de trois ans de travaux, le Musée Cosquer Méditerranée présente une reconstitution de la fameuse grotte préhistorique située dans les calanques au sud de Marseille. En partie immergé, le site est riche de nombreuses représentations d’animaux et constitue un vrai joyau de l’humanité, enfin accessible à tous !
Tout a commencé l’été 1985, alors qu’Henri Cosquer effectue une énième plongée avec le club dont il s’occupe à Cassis : il passe au niveau du Cap Morgiou, au sud de Marseille, devant ce qui semble être une cavité sous-marine intéressante à explorer. Après plusieurs tentatives, il pénètre à trente-sept mètres de profondeur, dans ce boyau qui mène à une grotte d’une vraie splendeur géologique. Mais ce n’est qu’en 1991, lorsqu’il y retourne, que le plongeur va tomber sur une main « dessinée » sur une paroi, puis sur d’autres peintures et gravures. Henri Cosquer vient de découvrir la seule grotte sous-marine ornée au monde, qui aujourd’hui porte son nom !
Malgré de nombreuses difficultés techniques, deux campagnes d’exploration sont menées en 1992 et 1994, sous la direction des préhistoriens Jean Clottes et Jean Courtin. La datation des peintures montre que la grotte a été visitée pendant le Paléolithique récent, soit entre 32 500 et 19 000 ans avant aujourd’hui, et vraisemblablement sur deux périodes distinctes, séparées l’une de l’autre par plusieurs siècles voire millénaires, à une époque où le climat était plus froid et où la mer se trouvait plus loin qu’actuellement. Avant de disparaître sous les eaux, il y a environ 9 000 ans…
Mais c’est alors, en 1994, qu’est découverte la grotte Chauvet, en Ardèche, plus ancienne, plus riche en peintures rupestres, et nettement plus accessible que la grotte Cosquer. Cette dernière replonge alors dans un long sommeil. Heureusement, en 2016, un projet de reconstitution de la grotte Cosquer est validé par la Région et les travaux sont lancés en 2020 par le groupe Kléber Rossillon, déjà responsable de celle de la grotte Chauvet. Le musée ouvre donc moins de trois ans plus tard, dans la Villa Méditerranée.
La scénographie du musée vise à plonger littéralement le visiteur dans la grotte. Ainsi, depuis l’extérieur, sur un petit plan d’eau, on peut apercevoir une réplique du bateau d’Henri Cosquer, le bien-nommé Cro-Magnon, avant de descendre dans le sous-sol de la Villa Méditerranée, vers la reconstitution de la grotte, à admirer installé dans un petit module qui se déplace à travers les saisissantes reproductions des peintures rupestres, mais aussi entre les reliefs de la grotte, au son d’un audio-guide très didactique. Dans la grotte originale, on a dénombré à ce jour, dans la partie émergée — les dessins et peintures sous l’eau étant malheureusement à jamais perdus — cinq cent cinquante-trois entités graphiques, dont les plus significatives sont reproduites ici. Ainsi, treize espèces animales différentes sont représentées (chevaux, cerfs, bouquetins, chamois, mais aussi de magnifiques bisons, aurochs et mégacéros), en plus de formes diverses, ainsi que des mains « négatives ». Si la technique utilisée pour ces mains s’avère assez simple (la main étant posée sur le mur comme un pochoir sur lequel on vient souffler du pigment coloré), cela reste un témoignage émouvant de ressemblance entre ces hommes préhistoriques et nous, les êtres humains du XXIe siècle.
Mais ce qui fait la particularité de la grotte Cosquer, ce sont les animaux marins. Seuls quelques exemples existent en Italie, en Espagne et en Dordogne. Dépositions de la proximité de la mer ainsi que d’un climat plus froid, on devine une scène avec trois pingouins, mais aussi des phoques et de possibles poissons.
Deuxième spécificité de la grotte Cosquer, elle présente un animal dessiné de trois quarts, ce qui est presque unique dans l’art pariétal, où la figuration de profil est toujours de mise.
Et cela, ajouté à des traces de repères, sortes de phase préparatoire avant la réalisation finale de l’œuvre, ce qui démontre un réel savoir-faire ainsi que la grande maîtrise technique de ces artistes préhistoriques.
Le véritable défi technique qu’a constitué la reconstitution de la grotte ornée a été relevé grâce aux avancées technologiques, comme la numérisation en 3D de la grotte originale, mêlées à des techniques plus traditionnelles. Ainsi, les copistes qui ont reproduit ces œuvres, avec au premier rang le préhistorien et artiste Gilles Tosello, ont repris autant que possible les techniques et instruments de l’époque, comme du charbon pour les dessins et le silex pour les gravures.
Après cette immersion passionnante d’une quarantaine de minutes dans une reconstitution qui fait presque plus vraie que nature, les visiteurs sont invités à visionner un court film sur la découverte de la grotte par Henri Cosquer, avant de remonter pour admirer une évocation à taille réelle de la faune provençale de l’ère Paléolithique, période pendant laquelle bouquetins et chamois gambadaient dans les massifs, parmi des troupeaux de chevaux et autres bisons, sans oublier les cerfs, et leur gigantesque cousin, le mégacéros, alors qu’en mer l’on trouvait encore des phoques et des pingouins.
Mais c’est certainement la sensibilisation à l’urgence climatique et à l’enjeu environnemental qui constitue l’une des idées les plus pertinentes du projet du musée. Alors que la montée des eaux condamne la grotte à moyen terme, les visiteurs se voient expliquer les conséquences d’un réchauffement climatique beaucoup plus violent et rapide que celui qui a, à l’origine, plongé la grotte Cosquer sous les eaux.
Car au-delà de la prouesse technique et esthétique que représente cette reconstitution, c’est surtout le seul moyen de rendre accessible à tous et de préserver ce joyau menacé. Le musée Cosquer Méditerranée deviendra à coup sûr un passage obligé dans le circuit de tous les visiteurs de Marseille, et un attrait supplémentaire pour une ville qui, pourtant, n’en manque pas !
JP Soares