L’Orientalisme en Europe : de Delacroix à Matisse au Centre de la Vieille Charité
Charité bien orientée…
La Vieille Charité se fait l’écrin d’une vision orientaliste pour l’événement de l’été — et peut-être de l’année. De Delacroix à Matisse (tous deux sidérés par le Levant), l’exposition L’orientalisme en Europe montre la fascination d’artistes marqués par leurs voyages ou par l’imaginaire qu’engendre l’Afrique du Nord depuis le XIXe siècle.
La métropole française la plus ancrée dans le Maghreb célèbre, à nouveau (1), les pays de l’autre bord de la Méditerranée à travers une centaine d’œuvres, parmi lesquelles nombre de joyaux. Sous l’impulsion de la campagne de Bonaparte, l’engouement pour l’Egypte et les fantasmes d’Orient trouvèrent un écho en Europe grâce aux images et aux témoignages rapportés. Les clichés habituels se trouvent nuancés via un panorama — déjà présenté en Belgique et en Allemagne, mais qui, ici, se voit étendu jusqu’à l’ornement décoratif « matissien » — sous le commissariat bicéphale de Marie-Paule Vial et Luc Georget (conservateur au musée des Beaux-Arts de Marseille). Ce dernier insiste sur les prêts de musées internationaux, de trois importantes collections privées et sur le fait que les plus grands acquéreurs sont désormais issus du Moyen-Orient.
A travers des salles thématiques (harem, désert, religions…), les découvertes réjouissantes de détails se succèdent, telle cette Odalisque drapée d’érotisme de Jean-Joseph Benjamin-Constant, qui envoûte par sa facture et sa composition somptueuses. Le réalisme de Ludwig Hans Fischer (Bédouins dans une tempête de sable) saisit en finesse le déchaînement du simoun (vent chaud et sec), tandis que La Vénus africaine — entre autres bustes en bronze de Charles-Henri-Joseph Cordier, sorte d’inventeur d’une sculpture ethnographique sans mépris — brille d’une criante grâce. Le Turc Osman Hamdi Bey, un des rares peintres de l’intérieur, nous fait quant à lui percevoir une ambiance mêlée d’humour et de misère dans ses toiles Marchands de tapis persans dans la rue et L’Instruction Coranique… Ingres et Vernet portent aussi leur regard sur « l’autre » et la visite se termine par les modernes avec, en point final, une merveilleuse petite tempera sur carton signée Klee, Ville arabe (un titre également utilisé par Kandinsky pour la tempera illustrant cet article), qui ferme à double tour une page classique mais laisse ouverte la porte d’un songe toujours révélateur d’exotisme.
Texte : Marika Nanquette-Querette
Photo : Ville arabe de Kandinsky © Rmn-Grand Palais – ADAGP
L’Orientalisme en Europe : de Delacroix à Matisse (organisée par la Rmn – Grand Palais et la Ville de Marseille) : jusqu’au 28/08 au Centre de la Vieille Charité (2 rue de la charité, 2e). Rens. www.rmn.fr.
Notes- Démarrée en 1982 sous l’impulsion de l’administration Defferre, L’Orient des Provençaux réunissait tous les musées de la ville pour pas moins de dix-sept expositions.[↩]