Focus sur Marseille Objectif Danse
Éternelle jeunesse
Marseille Objectif Danse fête ses trente-cinq ans. L’occasion de regarder derrière et devant dans l’histoire d’une programmation qui porte haut et fort la déconstruction de la danse dans une transversalité multiforme et ludique, à l’écart de la tranquillité du conformisme.
Énumérer la liste des chorégraphes qui ont performé chez MOD, c’est reprendre l’histoire de la danse dans une autre lecture que celle des Centres Chorégraphiques Nationaux de l’hexagone. MOD est un laboratoire de tout les possibles, à commencer par celui de ne pas danser, ou plutôt d’envisager la danse à travers des gestes simples du quotidien. Je traverse la scène d’un pas nonchalant ou agité, je parle fort ou je chuchote une digression. Je trace une ligne au sol, je filme mon intimité, j’interpelle un partenaire imaginaire. Tout ce qui peut contribuer à la naissance d’une image, d’une lumière, d’un début d’histoire sans fin, participe à la création d’un espace ouvert à la manière d’une abstraction. Le motif anonyme dans la danse, c’est un indice, le fragment d’un geste ou d’un pas qui devient la trame d’un ensemble. À la manière des rayures de Buren, la danse peut devenir sérielle. À la manière d’un dialogue spontané, la danse peut devenir une figuration libre. En invitant pour cette rentrée Olga Mesa en résidence à MOD, Josette Pisani montre encore une fois que le courage refuse la séduction du pas compté. Tout est incertain, proposé, évoqué, plaçant le spectateur dans une position d’inconfort, sans repère, ni référent. L’histoire de MOD, c’est l’accomplissement d’un éternel recommencement : retrouver l’origine d’une situation, d’une dramaturgie qui convoque le corps dans l’espace. Comment articuler le geste avec les objets qui l’entourent ? Dans cette multiplicité des propositions, des talents s’affirment et trouvent une reconnaissance et une consécration : Jérôme Bel, Boris Charmatz, Philippe Decouflé, Olivia Grandville, Daniel Larrieu, Christian Rizzo, Mark Tompkins… De grands noms d’outre-Atlantique ont également accepté l’invitation de MOD : Merce Cunningham, Meg Stuart, Yvonne Rainer, Richard Atlas. On traverse les époques dans une éternelle jeunesse, car la danse qui s’invente ne vieillit jamais. Elle nous surprend et nous amuse comme la dernière trouvaille. Elle transcende le théâtre et se joue du cinéma, parce qu’elle ne respecte rien. Diriger MOD depuis Trente-cinq ans n’est pas une chose facile, mais c’est à l’image de la vie où rien n’est donné et tout est compté. Pour ce doux mois de novembre, MOD programme au Gyptis les films de Christophe Haleb, qui parcourt le monde en interrogeant la jeunesse dans ses rêves et sa complexité. Puis au grand plateau de la Friche, Jonathan Burrows et Matteo Fargion rejouent Speaking Dance et Rewriting, ou comment l’humour s’immisce dans la transgression d’un protocole établi.
Karim Grandi-Baupain
-
Baby Boom & Le Chant du Kiwano de Christophe Haleb : le 9/11 au Cinéma Le Gyptis (136 rue Loubon, 3e). Rens. : https://cinemalegyptis.org/
-
Speaking Dance et Rewriting de Jonathan Burrows et Matteo Fargion : les 17 & 18/11 à la Friche La Belle de Mai (41 rue Jobin, 3e). Rens. : www.lafriche.org
Pour en (sa)voir plus : www.marseille-objectif-danse.org