Gérard Papailhau à la Galerie Bonneau-Samames

Peu de bruit pour plein

En cette effervescente rentrée notamment autour d’Art-O-Rama, l’exposition à deux têtes chez Bonneau-Samames passerait presque inaperçue… Pourtant, Yannick Papailhau et Alexandre Gérard se sont tellement rapprochés qu’ils ne forment plus qu’un, ce « Gérard Papailhau » qui constitue la belle surprise de la rentrée…

Alexandre et Yannick sont amis. Alexandre et Yannick sont artistes aussi. A moins que ce ne soit l’inverse. Toujours est-il que Simon Bonneau, qui suit leur travail depuis toujours, les invite à fomenter une exposition non pas à quatre mains mais à deux cerveaux, eux qui « partagent de façon générale un sens du déplacement dans leur manière de transposer le réel… »
Les préoccupations d’Alexandre Gérard tournent autour du décodage des comportements humains. La vidéo qui montre des quidams se mettant à courir quand retentit la sonnerie du métro berlinois pointe, comme le ferait Tati, l’évidente bêtise d’un comportement consenti à la modernité. Dans le traitement formel de cet épisode humain, les badauds qui engagent leur course contre la montre ressemblent à des danseurs, instruments d’une chorégraphie écrite sur l’accélération et les temps d’arrêt. Alexandre Gérard collectionne, inventorie nos réactions face à une situation incongrue. Idem avec cette boîte blanche suspendue, dans laquelle on consent à fourrer notre tête en dépit du ridicule : Allo ? Personne ne répond. Certains s’agacent, d’autres s’amusent, le téléphone sonne, mais personne n’est au bout du fil. La vidéo dans laquelle une mouche, au destin funeste, s’échine à trouver la sortie d’une fenêtre fermée reflète, à la manière des rats de laboratoire de Laborie dans Mon oncle d’Amérique, toute l’absurdité de certaines situations de vie.
Les dessins et les sculptures de Yannick Papailhau évoquent davantage un Buster Keaton. L’installation 13 ½, qui investit le salon de la galerie, se révèle instable et burlesque, tant parce qu’elle encombre que parce que tout est posé « là comme ça », en dépit de la fonction même de la pièce, des espaces de circulation et du mobilier. Les « machines » et les dessins de Yannick Papailhau n’ont aucune finalité, si ce n’est esthétique. L’artiste développe toute une panoplie d’œuvres de bric et de broc, surréalistes comme les surréalistes, loufoques comme chez les nouveaux réalistes, à partir d’éléments du réel (comprendre : trucs de récup’). Cependant, l’infinité de détails, la complexité dans les éléments constitutifs des sculptures ou des dessins embrouille le regardeur, qui concède à trouver tout cela très intelligent sans rien piper à ce qu’il regarde. L’ironie bienveillante de Yannick Papailhau se lit dans chacune de ses pièces.
Papaihlau et Gérard nous racontent une autre histoire, celle du décalage, du déphasage, du « pas au bon moment, pas au bon endroit »… Gérard Papaihau c’est un anti-héros, une figure de l’anti-branchitude, le mec qui marche en dehors des clous…

Céline Ghisleri

Gérard Papailhau : jusqu’au 1/10 à la Galerie Bonneau-Samames (43 rue Dragon, 6e). Rens. 06 71 15 76 97 / www.bonneau-samames.com