Collection Planque, l’exemple de Cézanne au Musée Granet
Le roman d’un collectionneur
Le Musée Granet prolonge jusqu’au 6 novembre prochain la présentation de la collection Planque qu’il a reçue en dépôt pour quinze années. Parcours exceptionnel dans la vie d’un collectionneur éclairé et amoureux de l’art, l’exposition témoigne des liens subtils et affectifs tissés avec et entre les œuvres par Jean Planque et des relations d’amitié qu’il engagea avec les artistes parmi les plus éminents de sa génération.
A l’origine, rien ne prédisposait Jean Planque à manifester un intérêt pour le milieu de l’art. Ni ses origines rurales modestes en Suisse romande, ni sa formation ne permettent de comprendre d’emblée son itinéraire. Seul guide son regard façonné par l’expérience et forgé en la compagnie des peintres de Bâle et de Lausanne, par des rencontres chargées d’émotions avec les toiles (Cézanne, Klee, Manessier, Picasso, Dubuffet…), plus tard par son activité de peintre à Puyloubier au pied de la montagne Sainte Victoire, et enfin par son métier de conseiller auprès du galeriste bâlois Ernst Beyeler.
L’exposition retrace de manière sensible les temps forts de ces rencontres avec les artistes et des fragments de vie du collectionneur à travers des accrochages inédits : restitution de l’agencement des tableaux dans la chambre de Jean Planque à la Sarraz, projection de photographies sur les cimaises… Et ce regard est partout éblouissant, éclairant quels que soient les genres artistiques et les esthétiques qu’il distingue : des deux aquarelles de Cézanne qui introduisent l’exposition aux ensembles constitués autour des maîtres de la figuration (Van Gogh, Gauguin, Degas), du cubisme (Picasso, Braque, Léger), des matiéristes (Tàpies, Toledo…), de l’abstraction (Klee, Tobey), des années 50 (Manessier, De Staël) ou de l’art brut autour de Dubuffet. De ces tableaux se dégage une très forte cohérence, des œuvres solidement composées qui dialoguent au contact les unes des autres, par le simple jeu de leur proximité (cf. Les Prospecteurs de Jean Dubuffet et Proies d’asile de Louis Soutter !).
Deux corpus cependant s’imposent, Picasso et Dubuffet, représentés chacun par une vingtaine d’œuvres. Comment interpréter l’insistance de ces choix parallèles sur ces deux grands peintres ? Peut-être faut-il y déceler un goût pour la recherche du primitif, le sens de l’élémentaire qui conduit à retrouver l’essence spirituelle de l’art, le caractère magique des formes. La référence à la construction de la vision du peintre et de l’homme est toujours manifeste chez cet amateur. Jean Planque en atteste dans son journal inédit évoquant Cézanne et « son éthique du retrait, de l’économie, de l’essentiel paysan. » Une admiration partagée comme une fraternité en art, avec ses compagnons artistes suisses, d’Auberjonois à Walter Schüpfer, ou avec le Grec Alex Kosta, qui livre de lui un étrange portrait.
Gardons de cette grande traversée de l’art du XXe siècle le témoignage et la volonté d’un homme qui a œuvré à transmettre, pour une éducation du regard, une collection constituée en résonnance avec sa propre histoire. En créant en 1998 la fondation Jean et Suzanne Planque, il lui confiait la tâche de prolonger son œuvre, en offrant au regard des autres sa passion de collectionneur. Au musée Granet, dépositaire de cette collection, d’accomplir désormais ce vœu, actant ainsi une relation de longue date qui le lia au collectionneur sur les traces de « l’exemple de Cézanne ».
Texte : Christine Maignien
Photo : Téléphoniste I de Jean Dubuffet
Collection Planque, l’exemple de Cézanne : jusqu’au 6/11 au Musée Granet (Place Saint Jean de Malte, Aix en Provence). Rens. 04 42 52 88 32 / www.museegranet-aixenprovence.fr