Anuk Rocha à la Galerie Kokanas
C’est en jetant un œil ému sur les restes de mon repas dominical que j’ai réalisé à quel point Anuk Rocha m’avait imprégnée de sa poésie. Ça et là, superbement étalés, les morceaux « de plaisir et de saveur » que mes proches et moi-même avions eu la chance de partager. Cette scène, voire cène, de vie m’a immédiatement fait penser au travail de l’artiste bosniaque. Anuk Rocha (un nom qui ne s’oublie pas !) s’est récemment installée à Marseille. Dans son travail, d’une lascivité graphique tout à fait unique, il y a de la couleur, des formes déstructurées, du grattage, de la griffe et de l’intensité. En somme, tout ce qui a constitué le théâtre de mon festin dimanche dernier. Et quoi de plus grisant que de retrouver dans sa propre existence la patte d’une artiste qui sublime l’évidence ? Dans son bric-à-brac méthodique, Anuk se sert de la figuration humaine et donne de l’épaule au charisme, parle de ce qui l’anime intérieurement (avec son autoportrait envoûtant) et tire un trait agile — parfois régressif — sur des édens parallèles devenus, soudainement, environnements rassurants.
À la Galerie Kokanas, les œuvres d’Anuk ont été sensiblement choisies. Des portraits offerts sous le prisme de l’abstrait (et dont les yeux pénétrants ne m’ont plus jamais quittée), des groupes de gens qui « trimballent » leurs auras en douceur, mais aussi des fleurs : en bouquets, en vases, en tiges ou en plantations… Cette première expo solo est une réelle occasion : de saisir toute sa palette de styles, de découvrir sa technique (collage, pastel, huile, acrylique, ganache, crayon…), de se sentir sous l’autorité de sa formidable étrangeté. Et son génie intuitif, je l’emporte jusque dans ma maison.
Pauline Puaux