Festival Oh les beaux jours !
Esprit livre
Si les beaux jours qui lui donnent son titre tardent à revenir, la manifestation portée par l’association Des Livres Comme des Idées nous promet un foisonnant et passionnant festival de « frictions littéraires » pendant près d’une semaine, réunissant une centaine d’invités pour échanger tout au long d’une soixantaine de rendez-vous sur les scènes de la Criée, du Mucem, du Conservatoire et de l’Alcazar.
République des livres s’il en est, notre pays ne compte plus les salons et autres raouts consacrés aux lettres ; et encore moins les prix, une passion bien française qui nous conduirait à en attribuer pas moins de 3 000 chaque année. S’il n’échappe pas à la tradition avec trois trophées décernés, le festival Oh les beaux jours ! préfère, à l’instar des bien nommées Correspondances de Manosque, transformer le plaisir d’ordinaire solitaire de la littérature en une pratique qui (nous) rapproche. Depuis sa création voilà sept ans, on y parle d’ailleurs de « frictions littéraires » pour désigner les nombreux — et fructueux — frottements qui s’y opèrent entre la littérature et d’autres disciplines artistiques. La multiplication des formats adoptés par le festival (grands entretiens, performances, lectures musicales, concerts dessinés, spectacles, projections…) permet ainsi au champ littéraire de libérer toute sa puissance plastique.
Huit thématiques permettront aux nombreux auteurs et artistes invités de mettre en contact leurs œuvres, leurs pratiques et leur rapport au monde… Il y a celles et ceux qui prendront « Rendez-vous avec l’histoire », à l’instar de Leïla Shahid, invitée à monter sur les planches pour la première fois sous la houlette bienveillante du maître du théâtre documentaire, Mohamed El Khatib. Et puis celles et ceux qui naviguent « Entre deux mondes », entre deux pays (Sabyl Ghoussoub et Xavier Le Clerc), deux langues (Polina Panassenko et Chevalrex), entre fiction et réalité (Didier Castino et Loïc Artiaga)… Distingueront-ils « Le vrai du faux », comme tentent de le faire Grégoire Bouiller, Guillaume Poix, Julie Wolkenstein ou Marion Fayolle ?
Entre intimité et universalité, la littérature se fait le reflet de notre monde, au sein duquel « La famille, et au-delà » tient encore et toujours une place prépondérante. Daniel Pennac peut en témoigner, alors qu’il met un point final à la formidable saga Malaussène après quarante ans de bons et lettrés services ; tout comme les cinq écrivains invités à passer à table sur la scène de la Criée à l’occasion d’un « repas de famille » pour le moins original… Piliers du foyer familial ou pas, victimes du patriarcat ou libres penseuses, les femmes prendront bien évidemment leur « part », à travers les voix d’Alice Zeniter, Hélène Frappat, Véronique Ovaldé, Barbara Carlotti ou Jeanne Cherhal. Quant aux plus jeunes, ils pourront vivre leur festival dans le festival, avec une flopée d’animations à leur attention, d’un spectacle de jonglage avec des livres à un concert pop pendant lequel une BD s’invente sous nos yeux, en passant par une relecture féministe du Petit Chaperon Rouge ou une dictée… dessinée.
Enfin, avec la thématique « Vivre la littérature », le festival reformule la question qu’il posait lors de sa précédente édition : « Que peut la littérature ? » « Les mots contre les maux », répondent en cœur les autrices Justine Augier et Emmanuelle Lambert. « La littérature, pour mettre le désordre là où l’ordre s’installe », avançait pour sa part Paul Otchakovsky-Laurens, le fondateur des éditions P.O.L, dont on célébrera le quarantième anniversaire.
Réels ou symboliques, on peut prêter d’innombrables pouvoirs à la littérature. Et tant que ce genre de manifestations lui permettra de les affirmer, gageons qu’elle a encore de beaux jours devant elle.
CC
Oh les beaux jours ! : du 24 au 29/05 à Marseille.
Rens. : http://ohlesbeauxjours.fr
Plus d’infos sur le festival Oh les beaux jours ! ici