Action, Geste, Peinture : Femmes dans l’abstraction, une histoire mondiale (1940-1970) à la Fondation Van Gogh
Le Van du renouveau
À Arles, la Fondation Van Gogh a pour habitude de proposer des expositions d’œuvres et d’artistes qui succèdent à son illustre peintre, en des échos astucieux à ses œuvres. En ce moment et jusqu’en automne, Action, Geste, Peinture : Femmes dans l’abstraction, une histoire mondiale (1940-1970) propose de combler une partie tronquée de l’histoire en élargissant les références aux œuvres de quatre-vingt-cinq artistes, au-delà des classiques représentations qui dominent. Place aux pratiques plus radicales, aux influences des arts d’Afrique du Nord, du Moyen-Orient ou d’Asie, place aux femmes d’action, à la danse et à la performance.
Tout juste arrivée de la Whitechapel Gallery de Londres, l’expo itinérante a été collectivement conçue par des commissaires femmes, lui assurant alors la primeur d’un point de vue qu’on imagine décentré d’office. Pas de Rothko, de Pollock, de Kandinsky. Il y a bien un de Kooning, oui : mais d’Elaine, et non de Willem. Parmi le riche et — force est de le constater — original panorama : cent-trente peintures, dessins et extraits photo ou vidéo de performances produites entre les années 40 et 70, donc.
Format peintures, on trouve par exemple des œuvres de l’une des grandes représentantes de l’abstraction vénézuélienne, Mercedes Pardo, connue pour ses formes richement colorées mais aussi ses vitraux et son graphisme ; ou Maria Helena Vieira da Silva, peintre portugaise aux compositions hypnotiques (dont on pouvait observer le travail l’été dernier au Musée Cantini) ; ou encore Michael West, peintre états-unienne aux étroites affinités avec piano et poésie, aux picturalités plus agressives, contrastées et gribouillées, qui avait d’ailleurs remisé son prénom féminin, Corinne, pour contrer son éviction systématique des cercles professionnels de l’art (comme beaucoup d’autres artistes entre autres raisons comme George Sand, George Hartigan, Lee Krasner, Claude Cahun…). Plus que renommées, Niki de Saint Phalle trouve aussi son nom dans la liste des exposées avec son Tyrannosaurus Rex, matière picturale composite et en relief, et contrairement à ce dont on est habitué·e, très pâle, monochrome ; tout comme la Japonaise Atsuko Tanaka, dont la pratique opère une fusion entre elle et la technologie. C’était l’une des cheffe de file du mouvement d’avant-garde Gutai (littéralement, en VF : « corps-outil »), connue pour ses vives compositions psychédéliques et ses performances remarquables et très remarquées, comme son apparition avec sa Robe électrique (en 1956), extrême costume-sculpture de deux cents néons illuminés, neuf couleurs et d’une cinquantaine de kilos. Les monumentaux mais subtils dessins au trait de Nasreen Mohamedi (Inde), les brutales transitions de couleur de Deborah Remington (États-Unis) ou les références éclatées — mythologiques ou d’actualités — d’Asma Fayoumi (Syrie) parachèvent le large tableau.
Au format performances, on trouve une œuvre d’Ana Mendieta, d’origine cubaine, qui explorait les thèmes liés aux violences faites aux femmes et aux connexions physiques et spirituelles entre son corps et la Terre (oui, avec un grand T) ; ou Jung Kangja, qui a réalisé le premier happening féministe en Corée du Sud, à base de ballons… Côté vidéo, est présenté le travail de la pionnière du film d’animation expérimental américain, Mary Ellen Bute. Elle a notamment utilisé des oscilloscopes, qui dessinent à sa place des rayons de lumière, et créé un instrument de dessin électronique avec l’inventeur du thérémine (Leon Theremin), le fameux instrument de musique électronique.
La curiosité bien piquée, on s’attend donc à un paysage inédit de l’abstraction, d’autant qu’il est augmenté d’une mise en regard avec cinq tableaux de Van Gogh : un ensemble frais et pas trop policé, ainsi que l’expo de l’été dernier, Nicole Eisenman et les modernes, têtes, baisers, batailles, l’avait prouvé.
Margot Dewavrin
Action, Geste, Peinture : Femmes dans l’abstraction, une histoire mondiale (1940-1970) : jusqu’au 22/10 à la Fondation Van Gogh (Arles).
Rens. : 04 88 65 82 93 / www.fondation-vincentvangogh-arles.org