C’était pas gai mais non plus triste, c’était beau, proposée par Sextant et plus et la Fondation Vincent Van Gogh

C’était pas gai mais non plus triste, c’était beau, proposée par Sextant et plus et la Fondation Vincent Van Gogh

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Paysrare

Le paysage traverse l’histoire de l’art tout en racontant celle des hommes. L’exposition C’était pas gai mais pas non plus triste, c’était beau se veut une traversée en territoire méconnu.

« Certains lieux, certains moments nous “inclinent”, il y a comme une pression de la main, d’une main invisible, qui nous incite à changer de direction (des pas, du regard, de la pensée) ; cette main pourrait être aussi un souffle, comme celui qui oriente les feuilles, les nuages, les voiliers. Une insinuation, à voix très basse, comme de qui murmure : regarde, ou écoute, ou simplement : attends. (1)) » Rester à l’écoute du sensible signifie, dans le dévoilement du sens des lieux, rendre compte de la perception, de la sensation, et non pas seulement par les sens, mais aussi par l’intellect (aisthesis). En effet, comment parvenir à renouveler ce genre autonome qu’est le paysage ? Eviter le cliché, le déjà-vu, l’insipide, et permettre de voir autrement, nous mettre face à une présence. Poser et présenter après s’être recueilli et avoir accueilli. A qui sait écouter, toute rumeur d’espace fait signe. Il s’agit en somme de parvenir à réaliser ce que Pasolini nommait « l’amitié des hommes et des lieux ». Parfois cela se dit ruine, ailleurs, cela peut se dire grâce. Grâce retrouvée avec Caroline Duchatelet et sa série sur les aubes, plans fixes dont le mouvement est donné par une lumière filmée qui vient dessiner et transformer le paysage. Lundi 8 décembre, l’enregistrement effectué ce jour-là, n’a pas été monté et ne sera pas présenté sous la forme d’un film. Seules cinq images en ont été extraites, cinq moments d’un lever de jour sur un champ, dont trois sont ici exposées. Autant d’images en devenir qui ne sont pas sans évoquer la pensée de Baudrillard : « Dans une image, certaines parties sont visibles, d’autres non, les parties visibles rendent les autres invisibles, il s’installe un rythme de l’émergence du secret, une ligne de flottaison de l’imaginaire. (2) » Et l’image ainsi imprimée, plus qu’elle ne le fixe, vient immobiliser fragilement un mouvement. Des tirages numériques en noir et blanc, des images presque abstraites : deux masses horizontales, celle très obscure de la terre, celle plus claire du ciel, à différents moments de l’aube. Le papier mat, saturé d’encre pigmentaire, est proche d’un pigment pur, peu lié, fragile et peu fixé. Absorbée par le papier, l’encre devient poussière. De cette exposition collective, on retiendra Caroline Duchatelet, chez qui la perception et le sentiment de la nature sont d’une extrême délicatesse, véritable rituel d’accueil et d’attention. Elle renouvelle l’approche du paysage, s’inscrivant dans la pensée de René Char : « Un poète doit laisser des traces de son passage, non des preuves. Seules les traces font rêver. (3) »

Texte : Nathalie Boisson
Photo : Sans titre de Alexandra Pellissier (à gauche)
L île de Pierre Ardouvin (au centre)
A direct affront to a natural waterway de Lawrence Weiner (à droite)

C’était pas gai mais non plus triste, c’était beau, proposée par Sextant et plus et la Fondation Vincent Van Gogh : jusqu’au 10/03 à l’Espace Van Gogh (place Félix Rey, Arles). Rens. 04 90 49 94 04 / www.sextantetplus.org

Notes
  1. Philippe Jaccottet – Paysages avec figures absentes (Gallimard[]
  2. Jean Baudrillard – L’Autre par lui-même, Habilitation (Galilée, coll. « Débats ») []
  3. René Char – Les Compagnons dans le jardin[]