L’entretien | Stéphanie Airaud
Nommée en 2023 pour prendre la succession de Thierry Ollat à la direction du [mac] de Marseille, Stéphanie Airaud nous offre l’opportunité de dialoguer sur son ambition pour ce musée et son approche du devenir de l’art contemporain.
Pourriez-vous revenir sur votre parcours ?
Je suis historienne de l’art. J’ai étudié à l’université et à l’École du Louvre et j’ai de suite travaillé au MAC de Strasbourg comme assistante d’exposition. Par la suite, je suis devenue responsable d’exposition au Musée de la Ville d’Annecy avec un projet autour du paysage, de par la présence de la montagne qui est incontournable dans la vie économique et culturelle de ses habitants. En 2004, j’ai été appelée au MAC VAL (Musée d’Art Contemporain du Val-de-Marne) comme chargée du public, un an avant l’ouverture du musée. J’ai décidé de me centrer sur un projet exclusivement tourné sur l’art contemporain avec une forte médiation et une question centrale : comment positionne-t-on un musée dans un lieu où il n’est pas attendu ? Après onze années au MAC VAL, j’ai passé le concours de conservateur et j’ai été nommée en 2022 à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, où j’ai perdu ma relation avec le public. J’ai donc postulé à la direction du [mac] de la Ville de Marseille pour retrouver ce contact et j’ai pris mes fonctions en juillet 2023.
Quels sont les axes des programmations à venir ?
Dans l’immédiat, je m’occupe de la programmation de mon prédécesseur Thierry Ollat avec l’exposition de Marc Desgrandchamps et je suis le commissariat avec Jean-Marc Huitorel de l’exposition à venir : Des exploits, des chefs-d’œuvre en partenariat avec le Frac Sud et le Mucem. Ce sera une monographie d’artistes dont le sujet est le sport. Il y a évidemment l’idée de s’inscrire dans l’Olympiade Culturelle. À la rentrée, on a la monographie de l’artiste Anita Molinero, qui est également enseignante aux Beaux-Arts de Marseille. C’est une artiste engagée qui revisite la sculpture à travers la question du recyclage et de la pauvreté des matériaux, en transformant la matière par des gestes industriels comme l’utilisation du chalumeau. Elle se revendique de César et Richard Baquié. Le choix d’Anita Molinero est également le signe d’un rééquilibrage de la présence des femmes dans la collection du [mac], puisqu’elles ne représentent que 8 % de l’ensemble de la collection. Ensuite, on programme 30 ans de [mac] avec un regard sur les choix de la collection. On a décidé de créer une MAC Room, qui sera un espace dédié à la jeune création. On commence avec l’exposition de Mégane Brauer en partenariat avec Triangle-Astérides, les Ateliers de la Ville de Marseille où elle a été en résidence pendant deux ans, et la galerie Air de Paris qui la représente. Je souhaite inscrire le [mac] dans des problématiques d’aujourd’hui et connecter l’institution avec un soutien à la création des plus jeunes. Il y a aussi l’idée d’un consortium avec Triangle-Astérides.
Comment envisagez-vous le maillage entre le [mac] et les galeries privées sur Marseille ?
On fait tous partie d’un écosystème où tout le monde a sa place. Les galeries font un travail de défrichage, mais il faut distinguer une activité commerciale d’un centre d’art. On suit de près le travail de Sissi Club, mais j’ai un travail de prospection à faire pour mieux connaître le réseau des galeries sur Marseille. S’il y a une rencontre avec des œuvres qui rentrent dans la démarche du musée, pourquoi pas… Les projets d’acquisitions sont présentés à la DRAC avec l’aval de départements composés d’experts et à la fin, le conseil municipal valide. Le Frac a une commission interne qui va beaucoup plus vite. L’enrichissement des collections du [mac] doit se tourner sur la Méditerranée et sur les femmes. On doit également évaluer l’état sanitaire de la collection pour savoir quelles sont les œuvres qui fonctionnent, avec les soutiens de la DRAC et de la Ville pour les restaurations.
Quels sont les enjeux des musées dans ce nouveau siècle ?
Ils doivent trouver leur place dans le monde d’aujourd’hui et coller aux enjeux des artistes. Je pense aux cultural studies, un mouvement anglo-saxon qui étudie l’anthropologie de l’art : les questions de genre, le colonialisme, le monde du vivant. C’est une manière d’envisager l’histoire de l’art sous d’autres récits et de connecter les œuvres au présent. Les musées doivent tenter de nouvelles narrations à travers ces approches, y compris dans la rédaction des cartels. Comment la modernité existe au Moyen-Orient ou en Asie ? Quelle est la manière de transmettre ? Sortons des schémas académiques. L’art contemporain a la chance de représenter des artistes vivants.
Quelle est la place de l’intelligence artificielle dans l’art d’aujourd’hui ?
Pour certains, c’est une base, des chercheurs l’utilisent pour créer des corpus et de nouvelles formes de savoir. Pour d’autres, ce sont des corpus d’images. Mais tout ceci est très nouveau et il m’est difficile d’en parler plus longuement.
Propos recueillis par Karim Grandi Baupain