L’entretien | Aniousha Peicaud (Solar Quartet)

Son swing naturel a déjà conquis bien des publics dans des espaces improbables, souvent situés en milieu rural. Le groupe de jazz Solar Quartet, qui tire son électricité et son nom de l’astre du jour, reprend la route pour une nouvelle saison. L’occasion de poser quelques questions à l’une de ses quatre étoiles…

 

 

Prenez une trompettiste/chanteuse qui carbure à l’émotion (Aniousha Peicaud), une pianiste superlative alliant puissance et douceur (Maryline Ferrero), un contrebassiste virtuose et funambule sur ses quatre cordes (Nghia Duong) et un batteur féru de musiques indiennes au groove imparable (Léo Achard), mélangez le tout dans des standards inusables : telle est la recette du Solar Quartet. Cela méritait bien un échange avec Aniousha Peicaud — par ailleurs trompettiste pour des groupes de cumbia et intervenante musicale en milieu carcéral.

« Pour cette nouvelle saison, on s’est d’abord concentré·e·s sur la préparation de la caravane, qui fait partie intégrante du projet. Elle est hébergée par la Plateforme Ouverte au Public à Arles, pour qui nous avons fait le premier concert de la saison. »

 

En quoi le projet est-il jazz ?

C’est surtout le trio piano/contrebasse/batterie qui amène le jazz : le projet est né avec eux, alors que je commençais dans cette musique, après qu’on s’est rencontré·e·s au Conservatoire d’Aix-en-Provence, dans la classe de Jean-François Bonnel. C’est aussi une musique qui peut défaire les barrières et séparations de toutes sortes. Cependant, c’est un pari, car ce n’est plus vraiment une musique populaire. On croit trop souvent que c’est une musique trop compliquée, qui demande à être beaucoup étudiée pour bien la pratiquer. Nous, on souhaite la rendre de nouveau accessible.

 

Vous fonctionnez donc à l’énergie solaire ?

L’idée de base du panneau solaire, c’était la mobilité, pour jouer dans des lieux improbables. Mon engagement écolo a certainement déteint sur le projet. En tournée, on réfléchit vraiment à ce que l’on consomme en déplacements, en alimentation… on utilise des toilettes sèches et une douche solaire. Mais si on voulait être 100 % écolos, on se déplacerait à vélo. En outre, on sait très bien que les batteries pour panneaux solaires ne sont pas recyclables et qu’elles sont constituées à partir de matériaux extraits de la nature dans des conditions lamentables. Mais sans elles, l’électricité serait trop instable et on en a besoin pour le piano électrique et la voix.

 

Qu’en est-il des ateliers que vous proposez lors de vos tournées ?

Pour cette saison, on n’en propose pas parce qu’on n’a pas eu le temps de les préparer suffisamment, même si on tient à nos propositions pédagogiques. Dans tous les cas, pour l’atelier, on doit avoir le soutien participatif d’une structure sur place. Généralement, on envoie un texte de présentation au préalable afin que la structure d’accueil le diffuse à son public. L’inscription est souhaitable mais pas obligatoire. On tient vraiment à partir de l’envie : certain·e·s veulent juste écouter, d’autres veulent participer et ont déjà un bagage musical en jazz ou dans d’autres registres musicaux. On jamme un peu à partir des souhaits exprimés et on essaye d’orienter vers des standards avec des harmonies très simples le deuxième jour. On prête des instruments quand on le peut et on a des livres et des partitions à disposition. Les gens sont souvent attirés par la contrebasse et la trompette. On peut s’adapter aux différents niveaux de pratique instrumentale et vocale en proposant du sound-painting(1). On tient dans tous les cas à ce qu’il y ait un lien entre ateliers et concerts.

 

Quelles sont les perspectives pour Solar Quartet ?

On va développer des randonnées musicales autour des cours d’eau en partenariat avec le Menelik (ex-Syndicat d’Aménagement du Bassin de l’Arc, ndlr). Plus généralement, nous concevons nous-mêmes les itinéraires, dans la mesure où il faut que nous nous installions dans des endroits accessibles pour les véhicules — pendant le Covid, il nous est arrivé de transporter le matériel avec des brouettes ! Il nous arrive également de travailler avec des associations de randonnée ou avec des municipalités. On se retrouve avec celles et ceux qui aiment d’abord marcher et finissent par aimer le concert et, inversement, celles et ceux qui viennent d’abord pour la musique et se retrouvent à découvrir le plaisir de la marche. C’est un mélange auquel on tient. Et surtout, jouer dehors dans des espaces de nature, c’est vraiment puissant pour la musique.

 

Propos recueillis par Laurent Dussutour

 

Solar Quartet : le 2/06 au Château d’Espeyran (Saint-Gilles), dans le cadre des Rencontres ACTE – Agir en Camargue, Territoire d’Éco-acteurs.

Rens. : acte.bio

Pour en (sa)voir plus : solarquartet.com

 

 

 

Notes
  1. Un langage de signes permettant une composition musicale en temps réel qui ne nécessite pas forcément une connaissance de la théorie et du solfège de la part des participant·e·s, conduit par un·e musicien·ne[]