Un mage en été était présenté au Théâtre Liberté (Toulon) et au Théâtre du Gymnase

Un mage en été était présenté au Théâtre Liberté (Toulon) et au Théâtre du Gymnase

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Lost in translation

Portée par un Laurent Poitrenaux virtuose, la nouvelle création du duo Cadiot/Lagarde, Un mage en été, émerveille avant de perdre ses spectateurs en chemin.

Depuis Le Colonel des Zouaves il y a plus de quinze ans, Olivier Cadiot trimbale son héros/double Robinson d’un univers à l’autre (île déserte, cour des rois, soirées jet set…) et à chaque fois, il fait l’expérience du langage : il y nage, il s’y noie parfois.
Cette fois, Robinson est devenu un mage qui, tout étonné de ses dons, part – et nous avec – à la découverte de son monde intérieur. Au début, tout va bien. La voix modulée de Laurent Poitrenaux, son corps ondulant, ses gestes toujours justes, l’ambiance sonore subtile nous emportent. Nous voilà au bord de l’eau, puis poisson sous l’eau, puis flottant au-dessus des paysages. Des bateaux passent, la lumière change au rythme de la voix du comédien ; c’est magique. Le mage s’emballe, enivré d’être cet « animal complexe » capable d’enregistrer au pixel près des milliards d’images ou de perceptions et, surtout, de les évoquer en mots, en poèmes. Robinson s’émerveille de la magie du corps qui parle, fait surgir des images colorées et vivantes de plus en plus vite. On zappe, on superpose, on zappe…
Mais finalement, la magie retombe : toutes ces images se valent, elles ont l’air trafiquées, elles nous assaillent sans aucun fil narratif pour les relier.
Emerveillement, saturation. C’est dans cette tension que se tient le théâtre de Cadiot : la puissance quasi magique d’évocation de la parole incarnée et l’ironie de la multitude des discours interchangeables. Mais ici, au bout de moins d’une heure, ça ne fonctionne plus :
l’absence de fil narratif, la multiplicité de départs d’histoires, de changements de position et de discours épuisent l’attention du spectateur. A mesure qu’elles s’enchaînent, les images perdent en détails, et on dirait que plus Robinson remonte loin en lui-même, moins il a envie de nous emmener avec lui. A force, la succession de visions tourne à la liste de références pas toujours explicites. Le voyage mental s’arrête alors pour le spectateur qui n’a pas les clés pour comprendre et plus aucun moyen de se laisser porter.
D’où l’impression que ce spectacle parfait, avec cet acteur virtuose, ce texte prolifique et ciselé tout à la fois, ses lumières et ses sons réglées au millimètre, a oublié l’essentiel de ce qui fait le théâtre : la générosité.

Texte : Aubierge Desalme
Photo : Marthe Lemelle

Un mage en été était présenté le 23/03 au Théâtre Liberté (Toulon) et du 29 au 31 au Théâtre du Gymnase