Durant deux soirées, le Gymnase s’est empli d’un parfum de dérision avec A-Ronne II. Ou la rencontre du XVIIe siècle italien avec la langue de Goethe, de l’absurde et du burlesque dans une étourdissante modernité esthétique… (lire la suite)
Durant deux soirées, le Gymnase s’est empli d’un parfum de dérision avec A-Ronne II. Ou la rencontre du XVIIe siècle italien avec la langue de Goethe, de l’absurde et du burlesque dans une étourdissante modernité esthétique.
En 1996, Ingrid von Wantoch Rekowski prend le pari de mettre en scène A-Ronne, pièce radiophonique iconoclaste pour cinq voix créée par Luciano Berio, qu’elle renomme tout logiquement A-Ronne II. Ludique, son univers au décor minimaliste décompose impétueusement et recompose frénétiquement des voix renaissantes, des tons démesurés et des attitudes freudiennes. A travers un langage à la « déstructuration mathématique » d’où se dégage un incroyable éventail rythmique, ce « théâtre pour les oreilles » charme son auditoire, réjoui de voir (enfin) un spectacle à la fois loufoque, drôle et sagace. Cette logorrhée — faite de monologues autonomes et incohérents (allant de la Genèse à Marx) et de dialogues décousus à peine collectifs — est une partition composite que l’on pourrait, juste pour donner une idée, rapprocher d’une séance de débats à l’Assemblée Nationale. Sauf qu’A-Ronne II, évidemment, n’aura aucune incidence sur la vie politique bridée d’une nation… Dans cette ambiance en apparence sans queue ni tête, des « gueules » mises en éclat par une lumière et un maquillage remarquablement sophistiqués pour la circonstance ont, pendant une heure, donné le tournis au langage et à une norme décidément trop établie. Un régal !
Texte : LV
Photo : Alice Piemme