Sous l’impulsion d’Heiner Goebbels, l’acteur André Wilms et le talentueux Quatuor Mondrian expérimentent avec Eraritjaritjaka une forme de théâtre où tous les arts se mêlent… (lire la suite)
Sous l’impulsion d’Heiner Goebbels, l’acteur André Wilms et le talentueux Quatuor Mondrian expérimentent avec Eraritjaritjaka une forme de théâtre où tous les arts se mêlent.
Le théâtre mystifie le réel. Dans ce gigantesque décor, les acteurs créent sur scène une autre dimension : l’espace-temps de la représentation. Heiner Goebbels, le metteur en scène et compositeur d’Eraritjaritjaka, va plus loin encore dans ce jeu de poupées russes initié par la scène : dans ce qui nous est donné à voir, il y a confusion entre le présent de la scène et celui de la rue. L’acteur qui jouait sur scène se défile, part, une caméra le suit. Il n’est plus là en chair et en os, mais aussitôt disparu, son image surgit sur le décor devenu écran de cinéma. Nos sens sont suspendus un instant entre irréel et réel, et se réjouissent de cette originalité. Et ce n’est qu’un début ! La musique, singulière, entre dans le jeu. Elle rompt les mots empruntés ici et là dans les textes d’Elias Canetti, les morcelle et les propulse en même temps. La sonorité des lettres, le rythme des phrases, font écho aux notes de musique. L’acteur se rêve chef d’orchestre tout puissant et s’imagine conduire les musiciens et le public au cœur même de sa propre destinée. Il est l’homme qui accueille, évoquant la mort, la machine, l’animal et l’individu. Autour de lui, comme sur un fil en équilibre, la musique stridente et pénétrante, semble se mouvoir dans un univers totalement inconnu : celui de nos tripes mises à mal par le rêve. On ne parvient plus à sortir de ce gouffre ouvert fortuitement par ce drôle de bonhomme qu’est Heiner Goebbels.
Texte : Diane M
Photo : Mario Del Curto
Eraritjaritjaka était présenté les 12 et 13 à la Criée dans le cadre du Festival de Marseille