Ilos de Marion Brunet

Ilos de Marion Brunet (Pocket Jeunesse)

Premier volet d’une trilogie, le nouveau roman de Marion Brunet, Ilos, estampillé « Jeune adulte », nous plonge, littéralement, dans un Marseille dystopique en 2052. Dans un contexte où la cité phocéenne accueille les Jeux Olympiques d’hiver et subit de plein fouet la remontée des eaux, l’autrice y déploie un récit glaçant, qui n’est pas sans faire écho à l’actualité.

 

 

C’est une histoire de vengeance à la Dumas qui ouvre l’intrigue du roman. Ilos nous conte l’histoire Nolane et Gal, jeunes trafiquants des temps modernes, qui ont pris pour habitude de plonger à la découverte des objets dans les maisons englouties par la montée des eaux, afin de les négocier avec le plus offrant. Cette volonté de survivre va leur faire rencontrer des personnes peu recommandables qui travaillent pour le Commodore, l’un des magnats de la ville, rencontre qui va leur être fatale.

En effet, Marseille en 2052, celle que l’on appelle à présent « La Venise du Midi », demeure une ville paupérisée, et dont l’architecture chaotique se développe par nécessité. Il y a les Ultra Riches, adeptes de la dernière greffe à la mode qui permet d’obtenir des yeux de chat, portant des chapeaux hi tech invisibles à l’œil nu, et dont le jeu favori est une sorte de corrida maritime : un yacht pourvu d’une lance à sa proue permettant de pourfendre un requin dans une sordide lutte à mort. Et puis il y a les autres, pour qui le soleil de l’été représente un danger mortel, qui côtoient rat, insectes et autres vermines porteuses de nombreuses maladies, et qui observent constamment l’horizon de peur qu’un nouveau tsunami vienne tout détruire.

La Méditerranée, plus que jamais, forme l’étendue d’un immense cimetière qui voit disparaitre dans ses eaux bleutées ceux qui aspiraient à une vie meilleure, mais aussi de nombreuses espèces. On pourrait déplorer le manichéisme d’une telle assertion, si elle n’était pas sans nous donner cette impression d’inquiétante étrangeté face à notre situation actuelle : celle de la sélection sociale, qui existe depuis que Marseille s’appelle Massalia, et qui constitue dans l’histoire un personnage à elle seule, s’accélérant exponentiellement à la veille d’événements internationaux.

Éducatrice spécialisée d’un hôpital de jour, l’autrice, originaire du Vaucluse, semble bien placée pour parler des coulisses de l’inégalité. Son écriture, parfois hésitante, semble nous parler de l’intérieur, dans une forme de cynisme à peine camouflé.

Formidable récit initiatique, la seconde partie de l’ouvrage s’attache à retracer cette quête de retour à la justice, l’amitié, la fraternité, comme solutions à un monde plus équitable. Il faudrait faire confiance à la jeunesse, celle qui a la capacité de se remettre en question, celle à qui l’effervescence de la colère en décuple les forces.

 

Laura Legeay