Spring Fury Festival – 3 questions à… Stéphane Bécamel alias Momo
Depuis quatorze ans, Stéphane Becamel dit Momo, fondateur du label Disagree Records, consacre sa vie à une passion effrénée pour le punk et le hardcore. A l’heure de son dernier projet en date, le Spring Fury Festival, il était temps de lui rendre une petite visite…
Quelles sont les évolutions majeures que tu as pu noter depuis que tu t’es investi dans la scène punk/hardcore ?
La scène est un peu plus structurée qu’à l’époque : il y a plus de labels, plus de fanzines, plus de radios. Maintenant, si elle est structurée au sens associatif du terme, il est clair qu’elle est rentrée dans un créneau commercial qui a ouvertement remplacé le DIY (ndlr : Do It Yourself) des débuts… En fait, c’est surtout le rapport que peuvent avoir les jeunes avec la musique qui a changé : avant, il était difficile de se faire connaître, il fallait chercher l’info, et tout le monde ne pouvait pas s’acheter une guitare. Aujourd’hui, les prix ont diminué de moitié, l’apparition de l’informatique a permis la multiplication des fanzines, ce qui place le mouvement à la portée du plus grand nombre. Pour autant, on ne peut pas dire qu’il y ait davantage de groupes qu’avant… Et s’il y a quelques bons groupes dans la région, ont-ils vraiment la volonté d’aller jouer ailleurs que dans ce périmètre ? A l’occasion des dix ans de Disagree Records, en 1999, tu avais connu un échec en organisant le Birthday Festival.
Aujourd’hui, tu reviens avec le Spring Fury Festival. Est-il toujours aussi difficile de monter des événements d’envergure dans ce registre ?
Oui, car la législation a beaucoup changé, on te met plus de bâtons dans les roues. A Marseille, comme ailleurs en France, il y a de moins en moins de salles, de cafés-concert… On leur colle des normes de sécurité drastiques, et comme elles sont pour la plupart constituées en assos, elles n’ont pas les moyens d’investir dans des travaux. Pour ce qui est du Birthday Festival, je pense que l’on vivait le déclin d’une certaine génération, les gens qui étaient jusqu’alors investis dans cette scène n’étaient plus là… et s’il y avait quand même de bons groupes, ils étaient trop undergrounds : ne pas avoir de tête d’affiche, à l’époque, était une erreur. Aujourd’hui, c’est différent : pas moins de quatre grosses pointures à l’affiche sur sept groupes, et puis le métal et le hardcore sont en plein renouveau depuis deux ans. Tant mieux, même si je pense que c’est sans doute un effet de mode : dans un an ou deux, on peut très bien se retrouver dans le creux de la vague, comme en 99. A ce jeu-là, ces vingt dernières années, ça a toujours été les montagnes russes (…) Le Spring Fury Festival est là pour prouver qu’il est possible, ici, de monter un gros événement qui mélange toutes les branches évolutives de cette scène, et sans faire uniquement appel à des groupes de la région. L’idée m’est venue après être monté à Berlin, en décembre, pour le Punk Disordery Festival. Si ça marche, il se pourrait qu’il y ait une deuxième édition l’an prochain…
A t’entendre, beaucoup auraient jeté l’éponge depuis des lustres… Qu’est-ce qui te motive ?
Déjà, pas l’argent, puisque je ne gagne pas un sous là-dessus : je ne suis ni subventionné, ni aidé par quiconque, c’est le label qui finance tout. Le fait est que beaucoup de gens disent qu’ils vont faire des trucs alors qu’ils ne font jamais rien —je m’en suis rendu compte au cours des huit mois durant lesquels j’avais arrêté mes activités. Et c’est bien ce qui me fait chier : j’aimerais que d’autres prennent un peu la relève… Si je suis motivé, c’est parce que j’aime ça, c’est ma vie, j’ai 33 ans, et depuis que je suis gamin, j’écoute du rock’n’roll. Je n’arrête pas de dire que je vais arrêter, mais à chaque fois, je replonge. Quand tu l’as dans le sang, tu l’as dans le sang…
Propos recueillis par Damien Boeuf