Revue d’Inventaire au Théâtre de la Minoterie
Au (carre)four et au moulin
Au commencement était un moulin. Le 7 mai 1985, des hommes le parent de noir et de rouge, la Minoterie de la rue d’Hozier devient un théâtre, et par la même occasion, un incontournable de la culture marseillaise. Vingt-sept ans plus tard, le lieu, situé en plein cœur d’Euroméditerranée, est promu à une démolition certaine… Grâce à la pugnacité de son équipe et la nécessité publique de faire perdurer le projet artistique, un relogement est prévu Place de la Méditerranée. En mai, on fête donc joyeusement (ou presque) le déménagement avec quinze jours de représentations, et un « finish » en apothéose… pour un nouveau départ.
Lorsque l’on demande à Pierrette Monticelli si la démolition de la Minoterie est symptomatique de l’impuissance de la politique culturelle face aux promoteurs, elle avoue ne pas savoir répondre à cette question. En septembre 2013, nous pousserons les portes du Théâtre de la Joliette. Tout nouveau, tout beau. « Nous allons avoir un très beau théâtre, même si on n’a pas encore les garanties financières pour le faire fonctionner », commente la co-directrice du lieu. En ces temps électoraux, il est (paraît-il) délicat de parler argent. Il n’empêche que c’est avec un bel enthousiasme que l’équipe envisage l’avenir : « Nous allons concentrer nos actions sur trois axes : des résidences de compagnies, des soutiens de projets et des collaborations à la hauteur de la salle de 280 places que nous aurons à remplir. » La bibliothèque de théâtre contemporain restera le centre névralgique du nouveau lieu. Nul doute, l’âme de la Minoterie ne meurt pas, mais se réincarne avec ardeur ailleurs. L’émotion de quitter ce bâtiment chargé de souvenirs bouillants est palpable. Mais, comme le précise Josette Pisani, créatrice de Marseille Objectif Danse et fidèle collaboratrice de la Minoterie, « c’est une page qui se tourne au niveau de la culture à Marseille. On est encore miraculeusement là et presque intacts, prêts à continuer à se battre pour que la création contemporaine ne se réduise pas à peau de chagrin. » Durant quinze jours, ce sera l’ultime grand rassemblement pour faire le pont entre la rue d’Hozier et la Place de Méditerranée. Le réjouissant duo Grand Magasin ouvrira cette Revue d’Inventaire avec Les Rois du suspense. Puis viendront des lectures, prémices de créations qui verront le jour en 2013/2014, à l’instar de Que font les rennes après Noël ?, avec Christian Mazzuchini et Agnès Régolo. Cette dernière se montre très émue : « Mon parcours n’aurait pas été ce qu’il est si la Minoterie n’avait pas été là. Ce lieu a ouvert des possibles qui n’existaient pas ailleurs, avec à la fois un investissement, un goût et une distance qui m’ont toujours réjouie. » Haïm Menahem, co-directeur du lieu, présentera pour sa part une lecture de Fuck America, ou l’exil d’un écrivain juif aux Etats-Unis dans les années 50, ainsi qu’une reprise de Ça serait trop long à t’expliquer le mieux c’est que tu viennes…, d’après La Putain de l’Ohio d’Hanokh Levin. Pierrette Monticelli proposera quant à elle une lecture de sa commande passée à Matéi Visniec, Si les mots m’étaient contés, interrogeant les identités multiples des mots. Un temps sera réservé aux ateliers amateurs avec une création autour d’un texte de Marion Aubert, Les Histrions. At last but not least, L’Appel du 19 mai offrira aux artistes attachés de près ou de loin à cette belle Minoterie une dernière nuit d’ivresse, pour adresser sur le plateau un adieu amoureux et festif. Profitons du mois de mai pour faire ce qui nous plaît, et fouler une dernière fois ses pavés avant qu’ils ne partent en poussière…
Diane Calis
Revue d’Inventaire : du 7 au 19/05 au Théâtre de la Minoterie (9/11 rue d’Hozier, 2e).
Rens. 04 91 90 07 94 / www.minoterie.org