Comme le souligne l’équipe du FID elle-même, « on n’est pas sérieux quand a dix-sept ans. » Adage par trop cliché mais cependant d’actualité pour une manifestation qui fête avec la même classe ses nombreuses années d’engagement auprès d’un genre cinématographique… (lire la suite)
Comme le souligne l’équipe du FID elle-même, « on n’est pas sérieux quand a dix-sept ans. » Adage par trop cliché mais cependant d’actualité pour une manifestation qui fête avec la même classe ses nombreuses années d’engagement auprès d’un genre cinématographique en perpétuelle mutation, artistique autant qu’économique. Aborder le champ documentaire, qui sans cesse se nourrit intellectuellement et organiquement du mouvement de l’Humanité, en éludant les faux débats, tel est l’engagement de cette nouvelle édition ambitieuse.
En dix-sept ans, quelques tempêtes et moments inoubliables, le Festival International du Documentaire s’est fait sa place au soleil phocéen, s’imposant comme l’un des rendez-vous festivaliers les plus cotés. Fruit d’une exigence toujours renouvelée, d’un travail herculéen (quelques milliers de films visionnés au quatre pôles de la planète, avant de n’en sélectionner qu’une centaine) et d’une réflexion profonde sur l’œuvre documentaire, alimentée par la respiration du Monde, le FID continue donc un défrichage hors pair et promet cette année encore son lot de grandes découvertes. Comme le souligne Jean-Pierre Rehm, délégué général, « nous pensons chaque édition avec la même intensité. Un film est un organisme vivant, dans la façon dont il est configuré. Ses qualités résident tout d’abord dans le contrat que celui-ci passe avec le sujet. Si ce contrat n’est pas respecté, cela nous intéresse moins. » L’une des façons pour le FID de conserver cette image d’exigence est de s’assurer le caractère inédit des choix de programmation. Une démarche qui confère ainsi à chaque découverte son aspect unique, sans omettre de proposer cette année encore une grille fort généreuse. Parallèlement à l’explosion des partenariats, ce crû 2006 offrira donc quatre grands moments de pellicule : les rétrospectives Hartmut Bitomsky et Joaquin Jorda, ainsi que deux écrans parallèles sur Robert Morin d’une part, et sur la frontière fiction/documentaire d’autre part. L’Allemand Hartmut Bitomsky, dont on connaît le saisissant B-52 (1998), reste partisan d’une forme documentaire très réfléchie, empreinte d’une rigueur indéfectible, qui le rapproche dans sa démarche intellectuelle des Straub et autre Farocki. Les sept films présentés emporteront sans aucun doute le spectateur dans une réflexion exempte de tout artifice ou réflexes de séduction. C’est plutôt du côté du cinéaste espagnol Joaquin Jorda que l’émotion sera à son comble : « Ce qui devait être une célébration inédite en France deviendra un hommage qui nous touche profondément », rajoute Jean-Pierre Rehm qui vient d’apprendre, il y a quelques jours à peine, le décès subit du réalisateur invité. La présentation de l’œuvre militante de ce documentariste majeur marquera sans conteste cette dix-septième édition. L’une des belles participations de cette année se fera avec la structure marseillaise Vidéochroniques autour du réalisateur Robert Morin. Ce fondateur de la Coop Vidéo de Montréal a privilégié une démarche libertaire, acte politique s’il en est, en marge de l’industrie traditionnelle. Son œuvre navigue ainsi aux frontières du documentaire, entre fiction et expérimental. Sujet sur lequel n’oubliera pas de se questionner le second écran parallèle : le FID invite en effet l’éminent Emmanuel Burdeau, rédacteur en chef des Cahiers du Cinéma, afin d’interroger l’interaction indéniable existant entre fiction et documentaire. Sujet glissant que viendront nourrir une dizaine de films mûrement choisis : « Be With Me d’Eric Khoo, le seul film de la sélection à avoir connu une sortie salle — discrète —, illustrera parfaitement la fécondation réciproque qui existe entre les deux genres », complète Jean-Pierre Rehm qui, lorsqu’on soulève la présence d’une sélection empreinte d’engagement politique, rétorque, sans hésitation : « Ce n’est ni prémédité, ni délibéré. Vraiment pas. Ce n’est pas un critère de choix de notre part. Seule compte la qualité des films. Le film engagé contient en lui trop souvent la réponse, ce qui me déplaît. Il faut que le sujet soit ouvert et reste à l’appréciation du spectateur. » Vivre le Festival, c’est plonger durant moins d’une semaine au sein de ce que le champ documentaire produit de plus exigeant aujourd’hui. Parallèlement à la sélection officielle, les multiples propositions et partenariats (avec Fotokino pour les enfants, la revue Vertigo ou le Festival de Tübingen pour ne citer qu’eux) enrichiront un rendez-vous cinématographique majeur, devenu une référence sur la scène internationale.
Emmanuel Vigne
Du 6 au 11/07 au Palais du Pharo, à l’Alcazar, au CRDP et au Variétés.