Marseille, ville métisse… Par-delà le cliché, quelques signes indiquent à notre journaliste le chemin vers la lumière… (lire la suite)
Hors les murs
Marseille, ville métisse… Par-delà le cliché, quelques signes indiquent à notre journaliste le chemin vers la lumière
L’équipe du présent journal étant sans doute la seule, dans toute la région, à boucler à l’heure où ses homologues se pointent généralement au bureau, nous allons en profiter, encore éblouis par la clarté qui émane de nos nouveaux murs, pour élaborer une de ces théories fumeuses dont nous détenons le secret. Cela vous changera des sempiternels choix de rentrée, et se résume à peu près à cela : pour vivre heureux, vivons légers. Décloisonnés. Dégagés de toute morale réprobatrice, de tout frein à cette envie d’aller de l’avant, libres comme le vent. Croyez-le ou non, cette pensée n’est pas si conne : elle marque même, à divers égards, la rentrée musique de cette saison. Qu’il s’agisse d’événements bien particuliers, du chemin suivi par certains artistes ou salles, plusieurs signes indiquent un réel frémissement, dont on devrait pouvoir tirer dans quelques mois un premier bilan. Du côté des festivals, tout d’abord, dont les premiers s’apprêtent dans les prochains jours à faire feu de tous bois – à commencer par Marsatac (voir par ailleurs). Ses péripéties multiples n’ont semble-t-il pas érodé une envie farouche de voir les choses en grand : d’année en année, la manifestation multiplie les collaborations à l’échelle locale comme internationale, tout en élargissant considérablement sa programmation. C’est, direz-vous, tout le principe de la Fiesta des Suds depuis quelques années… avec une différence de taille : on ne fait pas ça n’importe comment. Et sans doute pas avec les mêmes desseins. Ceux qui poussent, par exemple, la seconde édition du festival Konnexions à dresser des ponts entre publics distincts (contemporain et musique improvisée, électronique et acousmatique) tout en tâchant d’élever le débat. Ceux qui poussent, tant qu’on y est, une bonne partie des salles du coin à travailler de concert sur la première mouture de Jazz dans la Ville, avec ce vrai désir commun d’appréhender la force du vivier local (en l’occurrence, des artistes qui sont nés, habitent ou sont en résidence à Marseille). Dans ce cas précis, la matière première est déjà source de ravissement : le jazz est – et a toujours été – un formidable laboratoire où se croisent les alchimistes les plus hardis. L’exemple (facile mais si à propos) de Cyril Benhamou est à ce titre un modèle du genre : ce garçon passe le plus clair de son temps à infiltrer les réseaux, du jazz aux soirées pop en passant par la scène club, des échappées finissant forcément par rejaillir sur son univers propre, nourrissant un cheminement artistique en perpétuel devenir. Il n’est guère étonnant, dès lors, de le retrouver fréquemment aux côtés de gens comme David Walters (la révélation phocéenne de 2006 – tiens donc) ou Ahamada Smis, tout aussi attachés à pulvériser les cloisons, puisque c’est de cela qu’il s’agit. En témoigne l’événement qu’organise ce dernier à l’Affranchi, en marge de ses rendez-vous du côté de la Plaine : Marseille Cosmopolite. Tout un programme… Mais dans d’autres cas, pour en revenir à nos moutons qui sont loin d’en être, ce n’est pas tant la matière première qui importe, c’est la façon dont on la modèle. Ainsi de la Meson et de l’Embobineuse, deux spots alternatifs – au sens noble du terme – où il règne une réelle effervescence et, il faut le dire, un refus des conventions pour le moins salutaire. De l’une comme de l’autre, et plus ou moins consciemment, comme des créatures enfantées par un certain état d’esprit, sont apparus respectivement Kabbalah et Captain Carnasse : les premiers sortent ces jours-ci un premier album de jazz klezmer attendu, quand le second s’offre au même moment un joli doublé gore au Moulin (qui devrait y perdre sa santé mentale). Ne vous y trompez pas : ces « bâtards », comme certains auraient pu les appeler hier, sont aussi ceux qui régénèrent la famille entière. Ils nous rappellent que nous ne sommes que ce que nous font, que nous sommes libres si nous le voulons, que les murs sont finalement des cloisons et, parce qu’il faut en finir, qu’il est déjà tôt – mais jamais trop. Alors oui, après tout ce temps, nous voyons à nouveau la lumière, elle irradie dans la place et nous transperce de part en part. Hallelujah.
PLX