A Montévidéo, le festival ActOral cherche à élargir le territoire du « texte » au théâtre, en invitant chorégraphes, écrivains, artistes et musiciens à réinventer une langue pour le plateau.
A Montévidéo, le festival ActOral cherche à élargir le territoire du « texte » au théâtre, en invitant chorégraphes, écrivains, artistes et musiciens à réinventer une langue pour le plateau.
La polémique soulevée par le Festival d’Avignon de 2005 aura au moins eu un mérite : mettre en avant la place de l’innovation au théâtre, autour de propositions d’habitude très éloignées du centre des attentions médiatiques. La querelle a cependant simplifié la question, opposant ceux pour qui le texte est au centre de la pratique théâtrale et les autres. Ces derniers proposent d’envisager le texte comme un matériau ayant la même importance que les mouvements des corps, le son ou l’utilisation de l’espace comme une installation, à l’instar des expériences développées dans les champs de la performance et de la danse contemporaine. ActOral s’inscrit clairement dans cette perspective. En ouvrant le champ à des chorégraphes, des poètes ou des artistes, le festival d’écritures contemporaines questionne les repères stables du théâtre, faisant de la scène un laboratoire pour la confrontation d’expériences. Du côté des auteurs, on retrouve quelques-unes des démarches les plus radicales de la littérature contemporaine. Après la conférence musicale de Nathalie Quintane ou les montages rythmés de Jérôme Game, on continuera cette semaine d’emprunter les chemins les moins balisés de l’écrit. Avec une cartographie dessinée par Jean-Michel Espitallier dans son réjouissant petit livre Caisse à outils : un panorama de la poésie française aujourd’hui (Pocket), qui identifie courants et débats esthétiques. En évoquant l’influence du rock (Manuel Joseph), jusqu’à improviser à la guitare électrique (Christophe Fiat) ; la banalité comme outil de guerre (Anne-James Chaton) ; le comique transformé en dommage collatéral (Frédéric Léal)… Ou encore par une rencontre avec Orion Scohy, auteur d’un seul livre-météorite (Volume) et l’élégance formidable d’un auteur installé à Marseille, Jean-Jacques Viton.
Côté metteurs en scène (en espace ?), après le défi d’Yves-Noël Genod, dont beaucoup ne se sont pas encore remis, on retrouvera Hubert Colas, et le brillant jeune chorégraphe Vincent Dupont, qui fait une proposition ambitieuse autour de la perception intérieure du cri. Radicalement différent, plutôt explosion qu’implosion, le spectacle de deux troublions irrécupérables Sophie Perez et Xavier Boussiron pousse les limites du bon sens dans des zones inconnues : nul doute qu’après eux, le théâtre de boulevard ne sera plus le même ! Ce n’est pas l’artiste kamikaze Stéphane Bérard, qui expose ici des véhicules customisés et aura le mot de la fin ce samedi, qui dira le contraire.
Pedro Morais
ActOral. 5. Jusqu’au 7/10 à Montévidéo. Rens. 04 91 37 97 35