Les Documentaires de Werner Herzog à la Cité du Livre
La face cachée de la Terre
Fidèle à sa ligne directrice puisant dans le cinéma de répertoire pour nous offrir de simples mais belles thématiques cinématographiques, l’équipe de l’Institut de l’Image d’Aix-en-Provence nous convie à redécouvrir l’œuvre documentaire de Werner Herzog.
S’il fallait, par jeu, trouver une filmographie aux antipodes du cinéma-vérité de Jean Rouch, gageons que c’est le travail de documentariste de l’Allemand Werner Herzog qui nous viendrait à l’esprit. La transcendance s’installe en filigrane de la plupart des opus du réalisateur. L’objet, ici, n’est pas de rendre compte d’un rapport au réel, mais de jouer de la substitution de la caméra, en emportant le spectateur dans un espace de rêve niché aux quatre vents. C’est d’ailleurs pour cette raison que le cinéma d’Herzog, tout confondu, n’est qu’une vaste quête teintée d’anthropologie, à laquelle s’amarre une certaine vision du chant du monde. Un rêve panique mêlé d’aventures humaines, auquel n’échappent pas ses grandes « fictions », de Fitzcarraldo à Aguirre, ce dernier trouvant sa place dans la proposition de l’Institut de l’Image. En point d’orgue, toujours ce même désir d’absolu, qui porte le cinéaste dans les recoins les plus insoupçonnés de la planète, des profondeurs de la grotte Chauvet aux cimes de Gasherbrum (curieusement absent de cette programmation). Au total, une dizaine de films aux sujets improbables, qui permettent de se hisser au-delà de la science. Werner Herzog use de tous les artefacts des habituels reportages qui alimentent le flot (tiède) audiovisuel, en évitant cependant les pièges les plus grossiers. Les plus exigeants spectateurs s’irriteront sans doute de l’omniprésence du réalisateur devant et derrière la caméra (voix off), mais il reste une indéniable puissance se dégageant d’œuvres comme Little Dieter Needs to Fly, Les Cloches des profondeurs ou Le Pays du silence et de l’obscurité.
Emmanuel Vigne