« Les hommes politiques sont des méchants et les médias sont pourris, gnagnagna… » : je commençais à trouver la ligne éditoriale de ce journal vraiment ennuyeuse quand un rédacteur, tendu, m’attrapa le bras brutalement : « Mé keskon peu fer ? » Sentant que ma blague « voter socialiste, HAhahaha euh.. » ne faisait plus rire personne, j’ai décidé… (lire la suite)
« Mé keskon peu fer ? »
« Les hommes politiques sont des méchants et les médias sont pourris, gnagnagna… » : je commençais à trouver la ligne éditoriale de ce journal vraiment ennuyeuse quand un rédacteur, tendu, m’attrapa le bras brutalement : « Mé keskon peu fer ? » Sentant que ma blague « voter socialiste, HAhahaha euh.. » ne faisait plus rire personne, j’ai décidé de me pencher sur la question. Bon, procédons par ordre — et gagnons du temps : quel est votre projet ? « 1) Rétablir une démocratie qui nous permet de choisir notre environnement. 2) Installer une société d’échanges équilibrés et durables. » HAHAHAHA. Pardon. Bien sûr, cet objectif est l’antithèse de la Ve République, appelée « le coup d’Etat permanent » par certains[1]. Il faut donc soutenir les programmes qui proposent une République parlementaire et participative[2]. Si l’on considère que ceux qui se tiennent au pouvoir ne sont pas prêts à en partir sur simple demande écrite, même polie, de type bulletin de vote, il faut envisager de les forcer. Les supprimer tous reste évidemment le plus sûr moyen même si — on a testé en 1793 — il finit toujours par en rester. Quoi qu’il en soit, un affrontement est à prévoir et l’efficacité de la discussion réclame que l’on supprime les médias d’Etat. Concentration oblige, il sera plus simple de faire sauter généreusement[3] (4) le 15e arrondissement de Paris. Certains d’entre vous, pour de bonnes raisons (impatience, peur de se salir, pas de réduction SNCF), préfèreraient passer directement en phase 2 : changer l’environnement. Soit. En ce qui concerne l’économie, la grève générale permanente avec immobilisation du pays a un effet non négligeable. Dans le même esprit, on a : piller et mettre le feu au supermarché d’à côté, détruire ou plutôt « démonter » systématiquement les publicités, ne plus rien acheter sauf aux producteurs régionaux. Bref : un boulot à plein temps. Par contre, signalons tout de suite que certaines actions — écrire dans un journal, manifester temporairement ou se réunir pour discuter — n’ont aucun impact, même si ça permet de rencontrer plein de filles, motivation principale des révolutions bourgeoises de type 68. Pendant ce temps-là, certains ne perdent pas le leur à tirer des plans sur des barricades imaginaires. On signale ainsi des milliers de personnes ne se rendant plus dans les franchises, suivant l’adage : « un euro pour eux, c’est un euro contre moi ». Certains ne lisent plus la presse traditionnelle grâce aux sites indépendants[4], d’autres font du vélo — impensable !. Accrochez-vous : des familles partent en vacances dans des lieux où il n’y a rien à acheter. Tous ces gens ne songent pas un seul instant aux conséquences, catastrophiques. Ainsi, peu d’entre eux versent une larme pour Monsieur Fnac en train de faire la manche sous les ponts parce que les clients ont cessé de venir. Mais voilà, qui n’a pas rêvé de décharger une toupie de béton à l’entrée de son quartier pour le rendre piéton ? Comment résister à cette envie de mettre de la mousse expansée dans l’orifice du parcmètre que la Mairie vient de dresser devant sa maison ? Un jour, les gens d’Endoume ont cessé d’en parler… et de payer. C’est certainement dans cette optique déculpabilisée qu’une cinquantaine de terroristes a décidé, parce que « c’est un peu chez moi ici, non ? », de faire de son quartier une zone dé-motorisée. L’idée, lancée il y a peu par un inconscient, a eu un écho étonnant. De Baille à Libération, via La Plaine et notre Dame du Mont, notre bande de dangereux activistes[5] a ajouté, lundi soir, une belle piste cyclable à sa liste de Noël. « Cher Père Gaudin, je prends ma plus belle bombe de peinture pour t’écrire. Toi qui est si proche du Saint-Père, par nos beaux dessins d’écoliers, vois comme nous aimerions vivre dans un espace de silence, d’oxygène et… et sans bagnoles. » Ce comité d’irresponsables met la France et plus particulièrement ELF en danger par son obstruction à la libre consommation d’essence. Essence dont la combustion, rappelons-le, nous assure une chaleur mondiale durable pour les hivers à venir. Cette crainte est aujourd’hui partagée par tous : qui peut nous garantir qu’un rassemblement spontané de plusieurs centaines de cyclistes ne va pas avoir lieu ce week-end ? Lorsque j’ai demandé à ces fauteurs de calme s’ils étaient conscients de la portée de leurs actes, ils m’ont répondu, accrochez-vous bien : « Que tous les Marseillais fassent de même ! » Estomaqué, j’ai conclu par un « Elle est belle, la France ! », à quoi ils ont répondu : « Non, mais elle va le devenir ! »
Emmanuel Germond
Notes
[1] L’auteur, François Mitterrand, s’est finalement bien accommodé de ce « coup d’Etat permanent ».
[2] Il n’existe plus guère de personne pour croire encore à cette vieille histoire de dictature éclairée.
[3] TF1, M6 et la Maison de la Radio étant de l’autre côté du périph ou de la Seine, il s’agirait de ne pas être chiche sur le feu d’artifice.
[4] Le lien rezo.net de cette semaine : www.peripheries.net/article305.htm