L'ICEBERG – (Belgique -1h24) de et avec Dominique Abel, Fiona Gordon & Bruno Romy
Fiona fait la fermeture du fast-food d’une grise banlieue. Par excès de zèle, elle s’enferme malencontreusement dans la chambre froide et y passe la nuit, vaguement protégée par les emballages qu’elle y trouve. Le lendemain matin, dans un pavillon sinistre, son mari et ses deux enfants ne remarquent pas son absence, concentrés qu’ils sont sur les automatismes hâtifs qui précèdent une journée de travail… (lire la suite)
Une glace à trois (ma)boules[1]
Fiona fait la fermeture du fast-food d’une grise banlieue. Par excès de zèle, elle s’enferme malencontreusement dans la chambre froide et y passe la nuit, vaguement protégée par les emballages qu’elle y trouve. Le lendemain matin, dans un pavillon sinistre, son mari et ses deux enfants ne remarquent pas son absence, concentrés qu’ils sont sur les automatismes hâtifs qui précèdent une journée de travail. Libérée et désormais fascinée par le grand froid, Fiona prend conscience de la morosité de son quotidien et décide de tout abandonner. Elle tombe amoureuse d’un marin sourd et muet alors que son mari se lance à sa poursuite… Le film devient ainsi une sorte de road-movie maritime à trois, clownesque et inventif. Ces quelques révélations sur l’intrigue tentent de planter le décor, mais ne restituent pas les multiples trouvailles visuelles dont regorge L’iceberg. Filmés en plans séquences, les comédiens débordent d’énergie à l’intérieur d’un cadre souvent fixe, ce qui demande une grande virtuosité et une parfaite maîtrise (une erreur, un incident, et tout est à refaire…).
Produit, réalisé et interprété par trois artistes belges issus du théâtre, L’iceberg a nécessité quatre années d’écriture, de recherche de financement (pour un budget final tout riquiqui de 750 000 euros) et d’investissement de ses auteurs, au sein de la société créée pour l’occasion, la joliment nommée Courage mon amour Films. Auréolé de plusieurs prix dans divers festivals, le film arrive enfin sur nos écrans. Renouant avec la tradition du cinéma burlesque muet (Chaplin, Keaton), il repose essentiellement sur des gags visuels qui devraient enchanter tous ceux qui ont su garder une âme d’enfant, qu’ils aient sept ou soixante-dix-sept ans. Les dialogues sont volontairement épurés, au profit d’une inventivité permanente, reposant souvent sur l’expression corporelle. Par sa poésie sous-jacente et son humanité, les ombres bienveillantes de Jacques Tati et d’Aki Kaurismaki planent également sur le film. On ne peut que souhaiter que cette vitalité artisanale, si précieuse par les temps qui courent, soit récompensée dans sa rencontre avec le public.
Bertrand Epitalon
Notes
[1] Merci à HS pour sa virtuosité à trouver un titre cohérent et drôle à la fois…