CARMEN - (Afrique du Sud – 2h) de Mark Domford-May avec Pauline Malefane…

CARMEN – (Afrique du Sud – 2h) de Mark Domford-May avec Pauline Malefane…

Le Carmen de Georges Bizet, créé en 1875, est l’un des opéras les plus populaires de l’histoire de la musique. Les auteurs du livret, Henri Meilhac et Ludovic Halévy… (lire la suite)

L’amour est enfant de Township

Le Carmen de Georges Bizet, créé en 1875, est l’un des opéras les plus populaires de l’histoire de la musique. Les auteurs du livret, Henri Meilhac et Ludovic Halévy, s’inspirèrent de la nouvelle de Prosper Mérimée et situèrent l’intrigue dans un quartier pauvre de Séville. Plus exotique que réaliste, l’histoire est axée sur des sentiments forts (amour/haine, jalousie/ vengeance) et universels qui apportent au récit — malgré ses lourdeurs — un côté indémodable qui inspire encore les cinéastes. Après DeMille, Walsh, Lubitsch, Vidor et bien d’autres, le film de Mark Domford-May, qui a remporté l’Ours d’or à Berlin en 2005, est une adaptation africaine du célèbre opéra. Outre une « décontextualisation » qui aurait pu paraître factice, le premier mérite du film réside dans son casting : la beauté toute en rondeur de Pauline Malefane et des autres actrices, très souvent filmées de dos, apporte au film vérité et crédibilité, et le balancement de ces fesses généreuses rythme ce film musical d’une manière singulière. Toutefois, le propos est plombé par l’utilisation fréquente de la contre-plongée qui semble, un peu trop facilement, souligner l’écrasement des personnages par une aveugle fatalité (celle de l’amour, celle du ghetto). L’omniprésence de la couleur rouge (l’amour, la mort) souligne la filiation entre l’original et la version, même si l’auteur cherche aussi — et réussit parfois — à dépasser, avec humour, le simple exercice de la transposition (le chanteur déguisé en torero, le sacrifice en lieu et place de la corrida…). La traduction des textes originaux en langue xhosa donne à certaines scènes un côté surréaliste, comme si l’Espagne de 1870 rencontrait l’Afrique du 21e siècle, et Prosper Mérimée les affres du ghetto, tout comme la tentative de mélanger classique et musique sud-africaine est louable, mais peu productive. Film bancal mais attachant, c’est lorsque qu’il s’émancipe de son modèle que ce Carmen devient réjouissant. On regrette d’autant plus que l’auteur se soit surtout intéressé aux questions de forme (concilier tradition et modernité, opéra et cinéma…) et oublie de s’interroger plus sensiblement sur la nature de ce personnage romantique, troublé et troublant, qui n’a jamais choisi entre l’amour et la liberté. On attendait de Carmen plus de poésie et de surprises, et son chant restera pour nous une vaine promesse : « L’amour est loin, tu peux l’attendre…Tu ne l’attends plus, il est là. »

nas/im