Faites entrer les artistes !
Niché dans la rue d’Aubagne, le Daki Ling ouvre régulièrement sa scène au théâtre. Un théâtre proche du public, où les mots laissent souvent place à la pantomime, à l’improvisation musicale et à la rupture avec l’habituelle dissociation acteurs/spectateurs, comme le démontre la compagnie Le Souffle avec Les sages de Chelm.
Niché dans la rue d’Aubagne, le Daki Ling ouvre régulièrement sa scène au théâtre. Un théâtre proche du public, où les mots laissent souvent place à la pantomime, à l’improvisation musicale et à la rupture avec l’habituelle dissociation acteurs/spectateurs, comme le démontre la compagnie Le Souffle avec Les sages de Chelm.
Entre ces murs, anciennes écuries du XIIIe siècle, il se trame des choses, on chuchote : « Ramenez-moi à un état d’enfance (…) Ne me laissez pas à cet âge imbécile où il convient de se déguiser pour tenter de plaire, et où tout ce qu’il convient de faire me déplaît souverainement. Je m’abandonne à vous. » Le temps d’une représentation, entrons dans le jeu. Un seul risque : être obligé de réfléchir un peu !
Une femme et un homme entrent. Elle porte un long manteau rouge et un chapeau de feutre, elle joue de l’accordéon. Il s’assied autour d’une table, sort de sa valise — peut-être une petite cousine de celle de Marie Poppins — des verres, une carafe, des assiettes, un porte-crayons… On s’attend à tout… Il serait anthropologue, elle est chelmite. Le sérieux de la conférence sur l’histoire des Chelmites et leur lutte pour le pouvoir dérive bientôt sur un galimatias où le professeur — victime d’un dédoublement de la personnalité — est tour à tour chacun des protagonistes, empruntant à chaque fois une gestuelle singulière. Entre deux sursauts, un interlude musical marque une pause et permet de réfléchir à cette étrange société, dont les comportements ne sont finalement pas si éloignés des nôtres. L’auteur du conte (et prix Nobel de littérature) I. B. Singer aurait-il quelque parenté avec Voltaire ? Le burlesque et l’ironie de ces deux auteurs semblent proches : on rit, on s’étonne, on prend du plaisir.
Il n’y a que deux acteurs sur scène, mais la salle résonne comme s’ils étaient dix… C’est le génie du théâtre de jouer avec l’illusion. Cette même illusion que les acteurs tendent à rompre quand ils interagissent avec le public : depuis la mise en scène créée de manière à rompre le « quatrième mur » du théâtre — cette mise à distance du public par rapport à la scène — jusqu’aux blinis à la confiture que le public est amené à goûter. C’est précisément cet enjeu de ramener le public dans le théâtre, d’intégrer la salle dans l’espace scénique, sur lequel travaillent les compagnies Le souffle et Du Pilotis, qui présentaient également il y a peu, toujours au Daki Ling, la pièce Les Coulisses, fruit d’une écriture collective qui invitait le public à découvrir l’envers du décor. L’envie de partager l’expérience d’un théâtre qui tiendrait autant de la Commedia dell’arte que d’une forme plus contemporaine des arts de la rue. Le plaisir des acteurs est évident : n’ont-ils pas été jusqu’à jouer devant trois personnes, un soir de tempête de neige, parce que la scène est un lieu unique, et que rien ne peut les empêcher de se fondre dans leurs personnages ? Depuis peu, Le Souffle a d’ailleurs entrepris un partenariat avec l’association pour les jeunes Les milles pattes, afin de faire partager cette émotion aux enfants du quartier pour qui le théâtre reste souvent un lieu méconnu. Pour les autres minots, ceux dont les parents lisent Ventilo, un conseil : ne ratez pas, fin mai, leur prochaine représentation, dont le titre est porteur de belles promesses : Une journée tout à fait comme les autres de la vie très ordinaire de M.Dupont.
Diane M.
Les sages de Chelm était présenté du 19 au 22 au Daki Ling.
Attention ! Le cabaret anniversaire prévu ce week-end est annulé.