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Présenté sur la Croisette en Mai 2005, The Great Ecstasy of Robert Carmichael s’inscrivait dans la tradition cannoise des films sulfureux : tensions au sein de l’équipe à propos de sa sélection, buzz démesuré autour de la projection et d’une scène de viol particulièrement hard, une partie du public criant au scandale, bronca monstrueuse « saluant » la fin du film et spectatrices en pleurs au sortir de la salle, rien que ça ! C’est donc avec beaucoup d’excitation et de curiosité que nous attendions ce premier film anglais de Thomas Clay, un an après avoir rendu les marches du Palais plus que savonneuses. Robert Carmichael est un ado qui vit seul avec sa mère dans la petite ville grise et dépressive de Newhaven, au sud de l’Angleterre — en comparaison, le cinéma social de Ken Loach ressemble à l’arc en ciel des Bisounours ! Peu expansif, pour ne pas dire autiste, en proie aux moqueries journalières de ses camarades de lycée, Robert passe son temps libre à jouer du violoncelle, reluquer les filles, se masturber, fumer des joints et traîner avec deux potes bien barrés, jusqu’ici tout va bien… La sortie de prison du cousin d’un de ses potes sauvageons, tombé pour trafic de drogues dures, va pousser le trio d’amis vers des plaisirs plus violents : ecstasy, cocaïne et viol collectif, à partir de là, rien ne va plus, les jeux sont faits, bienvenue en enfer. En zoomant froidement sur cette jeunesse désœuvrée, Thomas Clay sonde l’horreur dans ce qu’elle a de plus abjecte, observe un monde sinistré où vivre sans haine ni aigreur n’est plus possible et capte cliniquement ces lads rongés par leur vide existentiel. The Great Ectasy… autopsie ainsi la violence tacite de cet entre-monde pour la faire exploser dans un final tétanisant — âmes sensibles, s’abstenir à vie —, via un viol-carnage insupportable, faisant passer celui d’Orange mécanique[1] pour un scopitone de Platine 45, au point que, quelques jours après la projo, les images cauchemardesques de ce voyage au bout de la nuit continuent de vous hanter. In fine, Clay nous dit — théorie aussi pertinente que malaisante — que la sauvagerie banalisée et exaltée de Robert et ses amis fait écho à la barbarie de la guerre, comme celle que le gouvernement britannique de Tony Blair continue de soutenir et supporter en Irak. On a la théorie du Chaos et l’effet Papillon qu’on mérite ! Thomas Clay est sans conteste le cinéaste actuel qui nous donne les nouvelles du monde les plus effrayantes. Son Great Ecstasy… vient placer la barre très haut, à la hauteur de Funny Games de Michael Haneke, Irréversible de Gaspard Noé et autre Requiem for a dream de Darren Aronofsky. Excusez du peu…
Henri Seard
Notes
[1] Quelques secondes avant de passer à l’acte, les trois protagonistes prennent une gorgée de lait, clin d’œil évident aux « héros » du film de Stanley Kubrick