Train de nuit (Chine – 1h34) de Diao Yi Nan avec Liu Dan, Qi Dao…
Le train des râles
Sur les traces de l’immense Zia Zhang-Ke, une nouvelle génération de réalisateurs chinois posent sur leur pays en pleine mutation un regard neuf et distant. Fidèle à son illustre aîné, Diao Yi-nan fait preuve du même souci d’inscrire son histoire dans un lieu et un moment précis, comme si les éléments qui entourent les personnages étaient aussi importants que les personnages eux-mêmes. Plus que cette marque de fabrique nationale, Train de nuit s’inscrit avant tout dans une tradition cinématographique contemporaine que l’on pourrait appeler le « cinéma du vide. » Les références à Antonioni sont nombreuses (notamment au Désert rouge) et elles teintent le film d’une mélancolie atmosphérique et cotonneuse qui risque de dérouter les amateurs d’une certaine linéarité narrative. Wu Hongyan est huissier de justice dans un tribunal, elle s’occupe de femmes condamnées pour crime passionnel qui attendent leur exécution. Solitaire, fatiguée de tout, et surtout d’elle-même, elle quête sans trop y croire l’âme sœur chaque week-end en se rendant à une pathétique soirée dansante pour célibataires. Misère sexuelle, névrose des gestes quotidiens, l’architecture industrielle de la Chine moderne engourdit les cœurs et fait peser sur cette jeune femme une violence sourde et anonyme. Le rythme s’accélère enfin lorsqu’un homme la suit et ne la lâche plus ; sous les dehors d’un thriller affectif se cache alors de beaux moments de flottements silencieux qui renvoient le personnage à l’absurdité du monde qui l’entoure dans un final saisissant. Même si on perd parfois le fil du récit en suivant pendant un temps les péripéties de personnages secondaires, le film reste lisible et cohérent, souvent ponctué par des plans fixes aussi explicites qu’esthétiques qui rendent palpables ce doux désespoir qui semble avoir envahi la Chine moderne.
nas/im