Litvinenko, empoisonnement d’un ex-agent du KGB – Documentaire (Russie – 1h50) de A . Nebrassov et O. Konskaïa

Comme un poison dans l’eau

Alexandre Litvinenko est mort empoisonné, à Londres, en novembre 2006. Cet ancien agent du FSB (ex-KGB) avait dénoncé le rôle des services secrets dans les guerres tchétchènes. Il avait aussi révélé, avec d’autres officiers du FSB, que sa hiérarchie lui avait ordonné d’assassiner un oligarque qui déplaisait au pouvoir. Après deux séjours en prison et l’élection du président Poutine en 2000, Litvinenko s’était réfugié en Grande-Bretagne. Six ans plus tard, il rencontre deux ancien agents du FSB reconvertis dans les affaires. Après ce rendez-vous, il est pris de violentes douleurs, son état se détériore. Diagnostic : Litvinenko a été contaminé au polonium 210, produit radioactif utilisé dans certains réacteurs nucléaires. Ainsi résumé, ce documentaire ferait un parfait sujet de reportage dans les émissions que les chaînes de télévision nomment généreusement « d’investigation ». Plus qu’une enquête, ce film est avant tout un témoignage sur les moyens qu’utilise le pouvoir russe pour asseoir son autorité et faire taire les critiques. Faux-procès, assassinat, torture, tout y passe, on se croirait revenus au temps des Tsars ou à celui des grandes purges communistes, à tel point que nos hommes politiques, comparés à Poutine et ses méthodes dictatoriales, apparaissent comme de doux agneaux qui n’auraient commis qu’un véniel péché de gourmandise. Si l’omniprésence du réalisateur peut agacer (on le voit autant que les personnes interviewées), le film nous offre de beaux moments de lucidité, comme cette cassette enregistrée par Litvinenko lui-même à la fin des années 90 ou cet entretien accordé à Nebrassov en 2002, où l’ex-agent du FSB ne semble pas douter de la fin sordide qui l’attend. Au final, le film nous questionne aussi sur le pouvoir des images ; celles de la télévision, efficientes et manipulatrices, et celles du documentaire, impuissantes, qui ne peuvent qu’enregistrer le réel sans jamais l’infléchir ⁽¹⁾.

nas/im

1. Le principal suspect du meurtre, l’agent Lougovoï, vient d’être élu député à la Douma le 2 décembre dernier ![↩]