Cooking with Martines Schmurpfs par la Cie A Table
Les pieds dans le plat
Dénoncer la malbouffe alors qu’éclate un scandale sur les plats surgelés est un hasard heureux, doublé d’un troublant paradoxe quand l’artiste se nomme Le Picard ! Dont acte avec Cooking with Martines Schmurpfs, un mets acide et doux à la fois signé par la compagnie… A Table !
Par l’intermédiaire de son personnage Martine Schmurpf, « éminente scientifique autodidacte », Clara Le Picard s’en prend ici, pendant près d’une heure et demie, aux maux alimentaires de notre société. Laquelle songe à son repas suivant, avant même d’avoir (pré)digéré le précédent.
L’occasion de nous inviter à une conférence qui, tour à tour, traite des (dys)fonctionnements de l’industrie agroalimentaire, aborde le schéma digestif humain et l’histoire de l’alimentation au fil des temps, ou nous rappelle les dangers de la déshydratation. Le tout dans une ambiance survoltée et schizophrénique, la maîtresse de cérémonie n’étant pas seule, mais accompagnée de son clone (incarné avec panache par Irina Solano) et de ses « non-Martines », au nombre de douze. Des copies « humainement parfaites mais scientifiquement nulles », qui mettent en pratique la leçon dispensée en prenant le temps du spectacle pour cuisiner sans employer le moindre ingrédient industriel. Une leçon de cuisine artisanale, censée nous préparer à parer toute crise alimentaire sérieuse, dispensée par autant d’acteurs amateurs impliqués et drôlissimes.
Derrière le ton facétieux de l’ensemble, l’auditoire se voit présenter les dangers de nos modes de production et de consommation actuels, une authentique réflexion sur le fait de se sustenter, ce « rapport de soi à soi, pris dans le carcan du rapport social ». Une pression qui nous pousse à la minceur dans un monde de gaspillage et de pollution industrielle. Une critique de ces impératifs du corps social, qui peuvent être guéris par la méthode Martines Schmurpfs (car il convient de parler d’elle au pluriel) : « Manger mieux pour être mieux, et penser mieux ».
Un constat grinçant sous des atours d’hilarité, via une mise en scène et un jeu d’acteur dynamiques, mêlant technologie (vidéo, réseaux sociaux en temps réel) et chorégraphies, ainsi qu’une création sonore de Frédéric Nevchéhirlian mêlant jingles et hymnes jubilatoires, dont on reprendrait volontiers une louche.
Sébastien Valencia