La Cité Interdite – (1h54 – Chine) de Zhang Yimou avec Gong Li, Chow Yun-fat…
Lecteur, ne te laisse pas embobiner par les cyniques, les météorologues et les prévaricateurs en tous genres : le printemps est bel et bien là, comme en témoigne la sortie du wu xia pian annuel. Après le fatigant Hero, le sympathique…
Supplice chinois
Lecteur, ne te laisse pas embobiner par les cyniques, les météorologues et les prévaricateurs en tous genres : le printemps est bel et bien là, comme en témoigne la sortie du wu xia pian annuel. Après le fatigant Hero, le sympathique Secret des Poignards volants et l’imbuvable Wu Ji (de Chen Kaige) l’an dernier, nous visitons cette année La Cité Interdite. Si, pour le spectateur occidental, tout cet apparat de fanfreluches dorées peut avoir l’attrait délicat et grisant d’un exotisme frelaté, il ne faut pas s’y tromper ; le cinéma chinois est bel et bien en train de sombrer corps et biens. La volonté affichée par la Chine de reconquérir le marché asiatique (jusque-là trusté par Hong-Kong, la Corée et le Japon) à travers la production de grandes fresques à vocation internationale s’est, depuis cinq ans, soldée par des films ampoulés, exploitant de manière plus ou moins honteuse le mythe de la « Chine éternelle ». La Cité Interdite prolonge malheureusement cette tendance, enterrant un peu plus le cinéma local. Pourtant, après plus d’une heure d’intrigues de palais, Zhang Yimou atteint presque son but. Son formalisme, son talent de coloriste et sa capacité à emballer le récit font presque ressembler cette Cité Interdite au film que l’on aurait voulu voir. Dans une saisissante dernière demi-heure, il assume enfin la décadence baroque de son style avec un sadisme réjouissant qui le pousse à salir ces idoles de pacotille (Chow Yun-fat hirsute assassinant son fils à coups de ceinture, Gong Li proche de l’apoplexie, etc.). Parfois, à force d’effleurer doucement son sujet, on finit par le perdre. L’ambiance fin de règne (pour l’Empire, pour le genre) qui traverse la Cité Interdite en constitue l’illustration parfaite. Quand le film démarre vraiment, les spectateurs ont quitté la salle.
Romain Carlioz