Angel – (France – 2h14) de François Ozon avec Romola Garai, Lucy Russel, Sam Neill…
Reconnaissons au moins une qualité à François Ozon, celle de défendre becs et ongles l’héritage cinématographique du cinéaste allemand Rainer Werner Fassbinder. Dans ces temps agités où l’oubli est devenu …
Si loin, si proche
Reconnaissons au moins une qualité à François Ozon, celle de défendre becs et ongles l’héritage cinématographique du cinéaste allemand Rainer Werner Fassbinder. Dans ces temps agités où l’oubli est devenu une valeur à peu près aussi sûre que l’inculture ou l’identité nationale, cette abnégation a le mérite d’exister. Angel est d’ailleurs, avec Gouttes d’eau sur pierre brûlante, son film le plus fassbinderien. Malheureusement, Ozon n’a pas le talent de son maître. Pire : son cinéma est quasiment indéfendable. Parce que là où la déconstruction bariolée de l’Allemand constituait le plus sûr moyen de remettre en cause les modes de vie bourgeois, le kitsch un peu forcé de l’œuvre d’Ozon n’est qu’un maigre palliatif à ses ambitions (justement) bourgeoises. Film après film, l’auteur de Swimming pool a de plus en plus de mal à cacher ce que la provocation gratuite de ses premiers films (Sitcom entre autres) arrivait péniblement à voiler : une certaine tendance à scléroser les formes plus qu’à les faire éclater, un refus assez strict de l’innovation au profit de la copie glacée. C’est d’autant plus dommage qu’Ozon a un authentique sens du cadre, de la couleur et que, sans ce refus systématique de ce vers quoi tend son cinéma (le mélodrame sophistiqué), Angel serait sans doute la grande fresque qu’on nous a vendue. Il n’y a aucune honte à être un grand auteur populaire (d’ailleurs, la France en manque cruellement). Truffaut l’a fait, et d’autres avant lui. Mais le petit François voudrait être un grand expérimentateur. Comme ma mère (ou bien Henri Seard, je sais plus, bref) me disait il n’y a encore pas si longtemps, quand je sautais sur le lit en hurlant que je voulais être Bruce Lee : à un moment, il va falloir faire un choix. C’est ton tour François. Mais fais vite.
Romain Carlioz