Sainte Jeanne des abattoirs de Bertolt Brecht par la Cie Parnas, jusqu’au 25 au Théâtre de la Criée
Le Dire des Femmes : Festival autour de la création au féminin, du 22 au 24 au Théâtre du Petit Matin
Snarks d’après Lewis Carroll par le Théâtre de Sartrouville, les 27 & 28 au Théâtre Massalia
D’un soir un jour par la Cie Rosas, le 27 au Théâtre des Salins (Martigues)
Froid de Lars Norén par la Cie Didascalie and C, Le 27 au Théâtre de la Colonne (Miramas)
Sainte Jeanne des abattoirs
_De Bertolt Brecht par la Cie Parnas
« Personne, ni certains économistes connus ni les hommes d’affaires, personne n’a pu m’expliquer suffisamment les mécanismes de la Bourse aux céréales. J’en retirai l’impression que ces mécanismes étaient tout bonnement inexplicables, ce qui veut dire non saisissables par la raison, ce qui veut dire encore simplement déraisonnables. » Ainsi Bertolt Brecht exprimait-il son incompréhension — et la nôtre — d’un système capitaliste littéralement insensé, qui n’engendre que misère (financière, sociale, morale). Il n’est question que de cela dans cette pièce écrite par le dramaturge allemand au moment de la crise de 29. Une œuvre d’une évidente actualité, que Brecht a voulue divertissante, narrant les aventures de sa Jeanne Dark des temps modernes sur le mode de la comédie musicale. Faisant sien ce parti pris car « bien au-delà de Sainte-Jeanne, la pensée est une activité joyeuse », la compagnie Parnas — qui a confié les chœurs à des amateurs — évite elle aussi le didactisme pour proposer un spectacle résolument moderne, critique brillante et intelligemment distanciée de la société de consommation.
_ Jusqu’au 25 au Théâtre de la Criée
Le Dire des Femmes
_Festival autour de la création au féminin
Depuis six ans, le Théâtre du Petit Matin offre un espace de visibilité aux femmes-artistes par le biais de cette manifestation pluridisciplinaire qui entend avant tout « aider les compagnies en difficulté, promouvoir le travail d’artistes au RMI et offrir un lieu tremplin, un espace de travail mais aussi de réflexion… » Après avoir mis en lumière le travail de « jeunes pousses » la semaine passée avec des « Premiers jets » très prometteurs (Le boucher d’Alina Reyes par le Collectif TIF, l’installation théâtrale Beckett d’Anaïs Jamet…), Le Dire des Femmes fait place cette semaine aux compagnies confirmées. La danse sera particulièrement à la fête avec les performances interactives de l’Allemande Steffi Weismann (une personne du public lance un grand dé qui va influer sur la performance) et de la Compagnie Sylvette et Annie (Je, jeu, jeux, un « projet en évolution ») ou le solo intime Elle attend d’Elisabeth Ciccoli. A suivre également, La vie à tout cœur, ou le récit doux-amer du combat face à la maladie par la compagnie Après la pluie.
_ Du 22 au 24 au Théâtre du Petit Matin
Snarks
_D’après Lewis Carroll par le Théâtre de Sartrouville
C’est l’histoire d’une traversée. Un voyage surréaliste et rocambolesque à la poursuite du snark, créature mythologique à mi-chemin entre le serpent (snake) et le requin (shark). A bord d’un rafiot improbable et transformable, un boucher, un castor et un capitaine, « armés d’espoir, de dés à coudre, de fourchettes et de soin », vont tenter de capturer cet animal fabuleux tout droit sorti de l’imagination fertile du père d’Alice au Pays des Merveilles. Animé d’un souffle burlesque, le spectacle conçu par Laurent Fréchuret rend hommage à l’art du non-sens et à la langue joyeuse — et joueuse — de Lewis Carroll. Eric Borgen, Nicolas Dufour et Mireille Mossé incarnent avec bonheur cet équipage branque et attendrissant, embarquant les (jeunes) spectateurs dans une course-poursuite musicale et chorégraphique où tout est permis, à commencer par nos rêves les plus fous. Quant à savoir si nos trois chasseurs de chimères, dont les connaissances maritimes se résument à agiter une cloche, parviendront à attraper l’étrange créature, rendez-vous au Massalia pour percer le mystère…
_ Les 27 & 28 au Théâtre Massalia
D’un soir un jour
_Par la Cie Rosas
Anne Teresa de Keersmaker traverse le temps avec la même méthodologie. Une danse propre et soignée où l’en dehors souligne les bases du classique et les bras la liberté des trajectoires. Il y a un peu de tout dans son travail qui croise celui de ses contemporains. La chorégraphe dont elle est certainement la plus proche, c’est Lucinda Childs qui, avec Dance (1979), inventa la danse minimale et répétitive : une même trajectoire déclinée à l’infini. La force d’Anne Teresa de Keersmaker, c’est son corps de ballet et son école, où les jeunes danseurs se pressent du monde entier pour passer ses auditions. C’est aussi une connaissance de l’histoire de la danse qui relève de l’encyclopédie. Dans la pièce D’un soir un jour, elle retravaille les postures de Nijinsky dans L’après-midi d’un faune sur une musique de Debussy. Le répertoire dans le répertoire, c’est une vision post-moderne, un art en soi. Si on ne connaît pas le travail de cette chorégraphe flamande, alors il faut s’y rendre sans hésiter, ne serait-ce que pour voir un travail millimétré sur le placement des pieds, le velouté des demi-tours, le cassé du bras, la tenue du dos.
_ Le 27 au Théâtre des Salins (Martigues)
Froid
_De Lars Norén par la Cie Didascalie and C
Le dernier jour de l’année scolaire 2002, au bord d’un lac, un lycéen d’origine étrangère se fait massacrer à coups de bûche par des skinheads. De ce macabre fait divers, Lars Norén a fait une pièce dense et froide — à l’instar de son théâtre, que l’on pourrait qualifier de « sociologique » — qui développe le thème du racisme ordinaire et des mécanismes de violence chez les jeunes. Froid décrit l’horreur d’une situation presque banale qui s’emballe par à-coups, sans raison apparente. Après Bobby Fischer vit à Pasadena, la compagnie Didascalies And C continue d’explorer l’univers du Suédois en restant fidèle à l’esprit de l’auteur : ici, point de crescendo dans l’agressivité, juste une représentation simple, presque naturaliste, d’un jeu tragique du chat et de la souris qui débouche sur l’irrémédiable. Ce faisant, elle livre une démonstration percutante sur les maux — le racisme et la violence donc, mais aussi la misère sociale et morale… — qui continuent de ronger les sociétés contemporaines. D’utilité publique !
_ Le 27 au Théâtre de la Colonne (Miramas)
CC / KGB