Cordesse à la Galerie Bartoli

Parlez-vous Cordesse ?

 

A la galerie Bartoli, une rétrospective consacrée à Louis Cordesse signe le retour au pays natal d’un fils prodigue en cette année capitale. Un bel hommage à cet artiste qui, au-delà d’une œuvre, a laissé tout un langage.

 

Louis Cordesse, né à Marseille en 1938, est issu d’une famille de grands industriels de l’huile et passe l’essentiel de sa vie à Paris. Après avoir été l’élève d’Edouard Pignon, il élabore son propre style, son propre vocabulaire : « Le cordesse comme le chinois. On dit que Picasso, à un amateur qui se plaignait de ne rien comprendre à sa peinture, répondit que sa peinture était comme le chinois et que pour comprendre il fallait apprendre », écrit Robert Lévy. Une langue est le creuset dans lequel on forge une vision du monde, elle structure la pensée. Et ce peintre, graveur et sculpteur collaborera toute sa vie avec des poètes, des écrivains, des philosophes. Des penseurs qui manient les mots comme lui les pinceaux. L’artiste fera sens de la matière via sa propre langue : dès les années 70, il collabore à la revue Clivages et illustre de nombreux textes. En 1988, il décède brutalement alors qu’il est en train d’accéder à une forme de reconnaissance. Le choc passé, ses proches se rassemblent autour de son œuvre prolifique en créant l’Association des Amis de Louis Cordesse. Leur proposition fait écho à la qualité vibratile de l’œuvre présentée : comme si elle refusait de cesser de parler. Le dénominateur commun de cette rétrospective ? Les dernières oeuvres et leur retour à des explosions de coloris. Dans les toiles vibrantes de couleurs, des entrelacs, des mouvements se font et se défont dans des enroulements tantôt paresseux ou agressifs. Il y a de l’ordre dans ce désordre. Mais la vibration est là : comme si la couleur cherchait à sortir du champ de la toile. Ce champ (chant ?) apparaît comme une frontière d’où cette langue chercherait à s’échapper pour mieux exister, s’enrichir. Se déformer. Robert Lévy écrit en 2007 : « Le retour, c’est simplement redevenir visible » (Cahier du refuge, exposition Cordesse, cipM). On pourrait ajouter : audible. Alors, partez écouter les chuchotements et les cris de ces toiles comme l’on part en voyage. En territoire Cordesse.

Bénédicte Jouve

 

Cordesse : jusqu’au 2/05 à la Galerie Bartoli (81 rue Sainte, 7e).
Rens. 04 91 54 20 17 / www.patrickbartoli.fr