Ne touchez pas à la hache – (France – 2h17) de Jacques Rivette avec Guillaume Depardieu, Jeanne Balibar…
Ne vous trompez pas sur le dernier film de Jacques Rivette ; il n’y est nullement question d’un bûcheron égoïste qui ne voudrait pas prêter son outil de travail. Le titre correspond plutôt au nom initial d’une…
L’amour flou
Ne vous trompez pas sur le dernier film de Jacques Rivette ; il n’y est nullement question d’un bûcheron égoïste qui ne voudrait pas prêter son outil de travail. Le titre correspond plutôt au nom initial d’une nouvelle de Balzac, intégrée par la suite à La comédie humaine. Ici, nous sommes donc en territoire connu, celui d’un cinéma littéraire « à la française », coincé entre la volonté de rester fidèle au texte et celle d’interpréter librement un récit historique. C’est sous la Restauration qu’Armand de Montriveau rencontre Antoinette de Navarreins : coup de foudre, déclaration passionnée, l’amour est là mais la jolie coquette parisienne refuse de se donner. Dans ce chassé-croisé sentimental, quand l’un se rapproche, l’autre fuit ; l’amour devient alors une véritable lutte : « acier contre acier, on verra quel cœur sera le plus tranchant ! » Raconté comme cela, le film peut paraître passionnant, mais le spectateur doit attendre un bon moment avant que le récit ne capte réellement son attention. Succession de plans fixes, décors austères, le début du film ne nous enthousiasme guère, ce petit théâtre filmé demeurant presque hermétique. Il faut attendre que les sentiments des personnages se révèlent pour que le film se réveille enfin. Et l’on se surprend même à vibrer au rythme des péripéties amoureuses qui apportent au film une dynamique inattendue. Toutefois, les inter-titres — loin de nous guider dans notre lecture du film — apparaissent comme un aveu d’impuissance de l’image qui ne parvient pas à se détacher du texte, et c’est sans doute le principal défaut du film. Quant à l’interprétation, Jeanne Balibar en fait autant que ce qu’exige son rôle de duchesse mondaine, c’est-à-dire trop. Guillaume Depardieu est lui presque crédible en général asocial et obsédé, et on apprécie tout particulièrement les moments où il se montre pervers et violent. Sadisme de spectateur ? Non, ici il est plutôt question de justesse, la passion est aussi synonyme de souffrance. Au final, Ne touchez pas à la hache est un film inégal, ni totalement ennuyeux ni follement intéressant, idéal pour un dimanche pluvieux lorsque vous ne savez pas quoi faire avec votre grand-mère. Bon courage…
nas/im