Polyptytch Bobby Seale à la Grande Halle de Arles
les Panthers posent
Le collectif LFKS livre, dans la Grande Halle des anciens ateliers SNCF d’Arles, une œuvre monumentale en hommage aux Blacks Panthers.
Le pool d’artistes emmené par Jean-Michel Bruyère propose une commémoration des luttes du Parti des Panthères Noires pour l’Autodéfense (nom originel du mouvement), en regard des émeutes de 2005 en France, tout en refusant de céder à l’image d’Epinal de Huey Newton dans son fauteuil en rotin, fusil dans une main et lance dans l’autre, ayant créé une mystique black panther (1).
Deux martyrs sont mis en perspective. Celui de Fred Hampton d’abord, inlassable médiateur des ghettos, pacificateur des guerres de gangs, qui finit par inquiéter suffisamment Babylone pour être assassiné par les flics dans son appartement, à l’âge de vingt-deux ans… L’entrée dans l’édifice se fait en passant devant une photo de lui poing levé ; une chapelle avec un plan de son appartement sur un tableau noir entre en écho avec un amas de matelas souillés de sang. Le martyr de Bobby Seale, dont l’envergure historique fut plus ample, est évoqué quant à lui par des photos encadrées à la manière des peintures bibliques dans les cathédrales, reconstituant son procès à la suite des émeutes ayant marqué la convention démocrate de 1969 — le leader noir fut sévèrement bâillonné et enchaîné à sa chaise, et ridiculisa la « justice » américaine.
L’exposition livre également des reliques du mouvement d’avant-garde de l’émancipation des Afro-Américains, tels ces manches de pioche et cocktails Molotov, ou encore, peut-être tel un symbole de l’échec relatif de cette lutte, deux mégaphones encastrés l’un dans l’autre. Des vidéos de flics américains juchés sur des toits armes à la main et des tablettes aux applications développées par l’Ecole des Mines de Gardanne permettant de naviguer dans l’histoire politique et musicale du mouvement donnent au spectateur l’occasion de s’immerger dans l’œuvre. La diffusion gratuite d’un Petit Livre Bleu compilant des citations du philosophe post-situ Jean-Paul Curnier renforce la spiritualité de l’ensemble, dont la force émotionnelle est subsumée par une projection vidéo sur écran géant d’une femme noire courant, comme s’échappant de l’éternelle plantation… La fuite ou la lutte ?
Laurent Dussutour
Polyptytch Bobby Seale : jusqu’au 5/05 à la Grande Halle (Parc des Ateliers, avenue Victor Hugo, Arles).
Rens. www.mp2013.fr
Notes- Lire à ce sujet l’excellent essai de Daniel Guérin, De l’oncle Tom aux panthères noires (Les Bons Caractères[↩]
- Lire à ce sujet l’excellent essai de Daniel Guérin, De l’oncle Tom aux panthères noires (Les Bons Caractères[↩]