La Dernière Vague à la Tour-Panorama
Sur la planche
A la Friche, le roulis du stakepark, les trains qui glissent vers la mer et les remous continus du site offrent à l’exposition La Dernière Vague un écrin où tout prend sens, mettant l’art contemporain sous les feux de la rampe.
Au commencement était la vague. A peine entrés dans le deuxième étage de la Tour-Panorama, nous sommes happés dans le rouleau. Une terrible et sublime vague noire et blanche de l’artiste new-yorkais Robert Longo nous plonge dans le vif du sujet : comment art contemporain et sports de glisse s’inspirent et se nourrissent. Manifestation phare du festival This is (not) music, l’exposition réunit près de deux cents pièces de cinquante-huit artistes, offrant un éventail extrêmement riche de ce que l’interaction glisse/pratiques artistiques peut produire.
Dans les grands volumes immaculés du nouveau lieu d’exposition se succèdent photographies, peintures et installations qui sentent bon la wax, les sprays des graffeurs et une certaine idée de la liberté. Parce que celui qui glisse est toujours en mouvement, il est libre de prendre la tangente. Culture urbaine du présent, l’exposition offre un retour sur la mémoire : les premiers surfs ne sont pas loin, réinterprétés par Olivier Millagou qui se demande sur quel support l’Européen surferait s’il n’avait pas eu connaissance de cette pratique du Pacifique, ou chez Gerard Decoster et la reconstitution de la Chambre du Collectionneur qui réunit une ribambelle d’objets cultes et indissociables des moments de gloire de cette culture urbaine. Plus loin, Raphael Zarka capte la mélancolie des rampes désaffectées, oubliées. Au fond d’une forêt, sous la neige, les ruines futures d’une histoire actuelle assurent son ancrage dans l’histoire universelle. Le skate s’offre du plaqué or bling bling chez Antoine Bouillot ou une courbe sensuelle et immaculée chez Luc Rolland, insufflant de l’érotisme dans une pratique parfois coupante. Pensée reprise sur les plateaux de skateboard de Madeleine Berkhemer, qui y peint des figures féminines sexy en accord avec la cambrure de la Harley Davidson customisée d’Olivier Mosset. Sous couvert d’un élan de jeunesse spontanée, on apprend que la glisse peut aussi être politique et révéler des problèmes sociétaux. Ainsi, dans son documentaire God went surfing with the Devil, Alexander Klein montre la volonté des surfeurs israéliens et palestiniens de partager les vagues, voire plus… En Ouganda, Yves Gross rapporte la détermination des skateurs à user du DIY pour construire le seul skatepark du pays. Fait de bric et de récupération, il constitue un espace qui appartient à ceux qui l’ont imaginé, revendiquant leur droit de rouler. Dans le Cube posé sur la terrasse, Hawai et Waikiki sont tout près : l’œuvre de David Bowen capte la houle du Pacifique et l’applique à une structure aérienne qui reprend le mouvement de la vague. On ressort de là les cheveux chargés d’embrun, de vent. Et avec l’envie de prendre le large.
Bérengère Chauffeté