A Casa Nostra – (Italie – 1h39) de Francesca Comencini avec Valeria Golino, Luca Zingaretti…
Il y a sans doute une poignée d’irréductibles qui, à l’instar de ma mère (ou peut-être même d’Henri Seard, qui sait, bref…) se dit que deux semaines de repos altèrent le jugement et que je ferais mieux…
Valeria et ses frères
Il y a sans doute une poignée d’irréductibles qui, à l’instar de ma mère (ou peut-être même d’Henri Seard, qui sait, bref…) se dit que deux semaines de repos altèrent le jugement et que je ferais mieux de ne pas rédiger un seul mot ce que je m’apprête à écrire sur A Casa Nostra. Je m’en fous. Moi aussi, j’ai droit à un joker et le mien a quand même de la gueule. Car, sous les dehors du film choral un peu trop à la mode, le travail cinématographique de Francesca Comencini est subtil et indéniablement précieux. Pour l’apprécier, il ne faut pas se laisser berner par le final un peu pompeux du récit, mais aller chercher dans les recoins de chaque plan, dans les collures, les trésors de réflexion qu’y a déposés la cinéaste. Déjà dans Zeno, puis dans Carlo Giuliano, elle portait un regard silencieux et sensuel sur des corps en reconstruction. Dans A Casa Nostra, c’est ce même principe qui est à l’œuvre, assorti d’un dispositif de circulation fascinant par ce qu’il nous dit de l’humain. Toute la structure narrative du film est sous-tendue par la certitude que le corps est soluble, semblable à ces flux visuels circulant sur les écrans des ordinateurs. Le montage entretient cette évidence en organisant la transparence des êtres, leur existence sur (et à travers) les autres. Milan est filmée comme un gigantesque miroir aux alouettes, aquarium de passions inassouvies, image grise et lucide de ce qu’il advient des corps et de ses sécrétions lorsqu’ils s’enfoncent dans la machine libérale. Broyés ou simplement interchangeables comme des valeurs boursières. Et puisqu’à ce moment précis, le regard clair et mélancolique de Valeria Golino nous emporte avec elle, puisque l’Enfer lui ressemble, alors n’hésitons pas à y plonger.
Romain Carlioz