A BITTERSWEET LIFE – (Sud-coréen – 1h58) de Kim Jee-Woon avec Byung-hun Lee, Shin Min-a, Kim Young-Cheol
Le moins que l’on puisse dire à propos de A Bittersweet life, c’est que son auteur, Kim Jee-woon, est un cinéaste élégant… (lire la suite)
Corps perdu
Le moins que l’on puisse dire à propos de A Bittersweet life, c’est que son auteur, Kim Jee-woon, est un cinéaste élégant, presque intimidant tant il se plaît à dérouler des intrigues sombres avec la nonchalance distanciée d’un grand cynique. Déjà auteur du brillant Deux sœurs sorti en 2004, il réapparaît cette fois avec un polar hybride, bancal mais terriblement fascinant.
Hee Su, un chef de gang local, soupçonne sa petite amie de le tromper et demande à Sun Woo, son bras droit, d’éclaircir la situation. Celui-ci tombe amoureux de la jeune fille, ce qui déclenche la colère du « boss »… On ne brisera pas le suspense en suggérant que la punition du chef et la vengeance consécutive de son bras droit seront à la hauteur de leurs déceptions respectives. Et c’est justement dans cette articulation abrupte entre comédie romantique et récit de vengeance que résident la force et la faiblesse de A Bittersweet life.
Kim Jee-woon est un maniériste qui aime triturer les codes du genre en les insérant dans des intrigues intimistes. Son parti pris est radical et il le suit jusqu’au bout : en accessoirisant totalement la vengeance de Sun Woo, il prend le risque de déséquilibrer totalement son film et de le voir sombrer en même temps que son héros. C’est en partie ce qui arrive dans le dernier tiers du film. Pourtant, le cinéaste continue de nous captiver par sa capacité à faire surgir l’étrange au détour d’un plan ou à désincarner totalement ces corps de gangsters désabusés. Dans l’une des dernières séquences du film, le héros Sun Woo erre comme un spectre dans les rues de Séoul. Il vient d’être enterré et pourtant il a survécu. La démarche de Kim Jee-woon s’éclaire alors définitivement : A Bittersweet life est un faux polar qui cache un authentique film de fantôme où les âmes errantes sont celles des héros contemporains. Une caméra dans un cimetière cinématographique en somme. Essai non transformé, mais ô combien stimulant pour l’avenir.
Romain Carlioz