Abd Al Malik : L’Art et la révolte au Grand Théâtre de Provence
T’as l’bonjour d’Albert !
Célébrant à sa manière le centenaire de la naissance d’Albert Camus, Abd Al Malik s’inspire librement des thèmes de l’écrivain pour présenter un opus mêlant rap, rock, danse, poésie et bien d’autres choses encore, au Grand Théâtre de Provence.
Camus prend la parole. Le rideau s’ouvre sur une scène déserte ; seuls les instruments sont en place, tout comme un black (Mattéo Falkone ?), dos au public, casque blanc sur les oreilles, déclamant un texte en matant un diaporama sur écran géant. Ses deux acolytes à casquette le rejoignent pour un set « comme à la maison », très rap et slam, consacré aux banlieues. Le corps désarticulé, le danseur Miguel Nosibor se fait l’écho des slameurs à l’aide d’une gestuelle improbable.
Baisser de rideau. Camus reprend la parole avant un deuxième set « comme en concert », Abd Al Malik, entouré de ses musiciens, envoyant des propos percutants dans son phrasé si personnel, sur un tempo qui fera taper des mains quelques excités. On se lèverait bien pour bouger ses fesses, mais on est au Grand Théâtre de Provence, quand même…
Deuxième baisser de rideau. Camus reprend la parole avant le troisième set « comme en concerto », dans un mélange étonnant de musique symphonique et de textes violents.
Troisième baisser de rideau. Camus reprend la parole, le vrai cette fois, enfin… sa vraie voix. Seul devant son pupitre, rendant hommage aux livres et aux mots, Abd Al Malik lui répond : « Monsieur Albert Camus, je vous fais une lettre que vous lirez peut-être… » A peu de chose près, ça commence ainsi.
Deux mondes se rencontrent ici : Aix-en-Provence, un quotidien loin des rodéos à motos, du deal et de la misère, un public plus tout jeune dont les fins de mois sentent plus le caviar que le shit. Quand le Sextius-Mirabeau aixois rencontre le Neudorf alsacien, ça semble fonctionner puisque, à défaut de danser, le public ovationne debout. Quand Abd Al Malik rencontre Camus, même topo, ça coïncide. Tous les deux parlent de leurs racines, des origines africaines, de leur peuple, de leurs proches. Tous les deux s’inspirent des mêmes thèmes : société, liberté, espoir et désespoir, condition humaine, sens de la vie et absurdité du monde. Tous les deux sont marqués par le soleil et la Méditerranée. Chacun dénonce, à sa manière, la misère et la violence, s’indigne, lutte et se révolte. L’Art et la révolte n’est ni une conférence sur l’écrivain, ni une lecture de textes, mais une déclamation poétique, théâtrale et chantée, dévoilant deux manières similaires de puiser sa réflexion, de dénoncer et d’espérer. Deux manières de vivre, d’angoisser et d’accepter ce monde rempli de beauté, incompréhensible et absurde, sur lequel on n’a pas de prise. Deux manières d’être à l’envers et à l’endroit.
Yves Bouyx
L’Art et la révolte était présenté du 12 au 16/03 au Grand Théâtre de Provence (Aix-en-Provence) et le 19/03 au Théâtre Liberté (Toulon).
Prochaine représentation : le 22/03 au Théâtre de Cavaillon (rue Languedoc).
Rens. 04 90 78 64 60 / www.theatredecavaillon.com
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