Abeilles, habillez-moi de vous à la Friche la Belle de Mai

Abeilles, habillez-moi de vous à la Friche la Belle de Mai

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Nectar de grâce et de poésie

« Enchanteur » est certainement le mot le plus approprié pour parler du dernier spectacle de la compagnie Pour ainsi dire. Avec Abeilles, habillez-moi de vous, création touchante, superbe et solennelle, le Théâtre Massalia nous propose de la dentelle sur un plateau, sans chichi ni gros moyens : de quoi en faire complexer plus d’un !

C’est un homme à l’allure de petit garçon, épée de bois et allure de chat. Il est seul et cherche « un chemin pour ses pieds ». Une voix de femme en coulisse le harcèle de questions afin que le mystère de sa présence s’éclaire petit à petit sous les yeux d’un public embarqué d’emblée. Le ton est donné : dans ce théâtre, on parle la langue des nuages, le réel est sous nos pieds, on flotte quelque part juste au-dessus. Pourtant, le concret de la vie sur Terre est là : la sœur du jeune homme a disparu, laissant une jupe comme seule trace de sa présence, jupe qui finira par être portée par le frère, sans crainte du ridicule. Puis la voix se matérialise ; Camille Voitellier nous donne à voir sa main — apparition magique — avant d’avouer être condamnée par son père à vivre nue. L’auteur, Philippe Dorin, et la metteur en scène, Sylviane Fortuny, précisent : « Nous aimerions parler de pudeur aux enfants, ou plutôt de la représentation de soi devant les autres. » Tout converge vers l’interrogation de la représentation : le sol brillant sert de miroir inconscient aux corps des acteurs, l’installation ingénieuse de lumières sur roulettes permet de modifier le point de vue sur les choses en un clin d’œil. Le texte nous dévoile l’intimité des personnages avec retenue et délicatesse. Ces deux-là sont attachants de vérité et d’étrangeté : enfermés chacun dans leurs solitudes, ils cherchent à s’en délivrer. Et quand le texte ne suffit plus à dire ce qui les taraude, c’est la danse héroïque du remarquable Yvan Corbineau qui prend le relais, virevoltant sur de grandioses violons poussant nos poils à se dresser ! Puis la scénographie s’en mêle : la fameuse jupe se multiplie à l’infinie, s’étale sur le sol devenant un lac de Claude Monet dans lequel la jeune femme fragile et drôle s’incruste pour s’approprier le vêtement et se couvrir enfin. Continuer à décrire les images oniriques de ce spectacle présente peu d’intérêt : spectacle fort en émotion, d’une subtilité poétique rare, il mérite tout simplement d’être vu, comme les autres créations de la compagnie, lauréate du Molière Jeune Public en 2008 pour L’hiver quatre chiens mordent mes pieds et mes mains. Une compagnie qui participe activement à embellir le monde.

Texte : Diane Calis
Photo : P. Lei?va

Abeilles, habillez-moi de vous était présenté du 17 au 21/05 à la Friche la Belle de Mai (programmation : Théâtre Massalia)