ActOral.7 présenté à Montévidéo

ActOral.7 présenté à Montévidéo

Le mOral au beau fixe

Pendant une quinzaine de jours, le festival ActOral a exploité un immense champ de possibles, entraînant ses spectateurs dans un tourbillon de sensations.

Vivre ActOral ne fut guère de tout repos, pas même pour l’âme. Eclatée dans l’espace et le temps, la programmation poussait par exemple le festivalier curieux à choisir entre la pointure Mark Tompkins et l’impromptu du fou Charles Pennequin sur La Contrebandière d’Yto Barrada. Mais la frustration de ne pouvoir assister à tout ne créait pas pour autant de deuil morose ; bien au contraire, de là naissait le désir, le désir de savoir, d’essayer, de connaître.
Si certaines fois, on a pu tomber à l’eau sans que nos cœurs chavirent — un Au hommes qui manquait d’évolution, une Purgatory Party en création encore trop hermétique malgré une rare richesse sonore —, la tonalité de cette édition s’est révélée joyeuse. On repense au génial Jérôme Mauche dans Le surdésendettement de la parole, à l’excellente et dynamique Québécoise Renée Gagnon dans son amour fanatique et fantasmé pour Steve Mc Queen, ou encore à la Belle au Bois Dormant déjantée et lubrique d’Elfriede Jelinek sur une proposition d’Elina Löwensohn et de Nathalie Richard. Un peu dans la même veine, la programmation de Marseille Objectif Danse a permis de faire découvrir au public encore trop peu nombreux la surprenante chorégraphe canadienne Antonija Livingstone, véritable bête de scène qui s’amusait de ses doutes. On repense aussi avec délectation à la douce complicité amusée entre l’immense Martin Crimp et l’acteur Thierry Reynaud.
La joie n’était certes pas futile. On a aussi été déstabilisé par le Made in paradise de Yan Duyvendak et Omar Ghayatt, autour de la peur de l’Islam. On s’est senti mal à l’aise, on a éprouvé de l’horreur, du dégoût, mais aussi de la délectation avec l’incroyable Jerk, porté par la présence fabuleusement dingue de l’acteur Jonathan Capdevielle.
Mais, au-delà de l’éclectisme et de la richesse des propositions, le luxe d’un événement comme ActOral est d’offrir des formes et des formats aux artistes et au public de qualité, faisant éclore et s’épanouir des écritures étranges et bouleversantes de finesse, sans pour autant tomber dans une cérébralité excessive. De nous laisser penser en joie. Dans ces temps sordides et moroses, cette septième édition nous a donné l’oxygène et le goût de la mise à distance du monde pour mieux s’y engager. Elle nous a aussi donné la conviction que Marseille n’était pas qu’une provinciale mal lunée et en manque de professionnalisme, mais qu’elle savait aussi, avant 2013, avoir la volonté réussie de rassembler dans la qualité. Pour tout cela, simplement : merci.

Joanna Selvidès

ActOral.7 était présenté à Montévidéo et dans divers lieux de la ville du 29/09 au 11/10. Rens. www.actoral.org