C’est arrivé près de chez vous | La Citadelle de Marseille
Fort à faire
Si milieu du 18e siècle, une visite au Fort Saint-Nicolas n’augurait rien de bon, en 2024, nous ne pouvons que recommander chaleureusement d’aller faire un tour du côté de ce géant de pierre, qui porte désormais le nom de Citadelle de Marseille.
Cela fait déjà bien longtemps que l’on ne tire plus que des feux d’artifices depuis les remparts de la Citadelle de Marseille. 360 ans que le métal des canons du Fort Saint-Nicolas est froid, que l’on entend plus le tintement des chaînes de prisonniers sur le pavé des coursives, quatre siècles d’histoire et de silence. Mais les travaux les plus audacieux se font généralement sans bruit, et ce 14 juillet, le feu d’artifice annuel lancera un message sans équivoque : la Citadelle est enfin libre !
En réalité, cela fait déjà un mois que l’ancien fort militaire, construit en 1664 sur ordre de Louis XIV, a remonté la herse pour plus de 30 000 visiteurs, et la programmation du lieu pour le reste de l’été ne risque pas de repousser les prochains milliers. Alors, si au milieu du 18
e siècle, une visite au Fort Saint-Nicolas n’augurait rien de bon, en 2024 nous ne pouvons que recommander chaleureusement d’aller faire un tour du côté de ce géant de pierre. L’énergie contemplative des jardins ouverts nous introduit, à la manière d’un prélude, dans une nébuleuse aérienne, où trône en son centre l’étoile de pierre. Tout se joue là, le long de la grande montée de calcaire que l’on doit franchir avant de se retrouver devant l’entrée du fort. Cette étape est commune à tout le monde, mais pour le reste, les scénarios possibles sont difficilement chiffrables. Il y a généralement trois manières de s’introduire dans la Citadelle. La première prend la forme d’une visite guidée de groupe, que l’équipe du fort propose afin de retracer 360 ans d’histoire mouvementée. Soucieuse de plaire à tous les publics, la Citadelle se visite aussi sous la forme d’escape game à destination des plus jeunes, qui auront l’occasion, deux fois par semaine, de crapahuter le long des dalles de pierres blanches pour parvenir à s’évader du fort. Enfin, grâce à une collaboration unique avec le collectif L’Agonie du Palmier, ces visites se déclinent aussi sous une forme théâtrale particulière empreinte d’une science atypique : la pataphysique. Le collectif revêt la blouse de pataphysicien et entend explorer le fort dans une pièce déambulée qui retrace le cœur de leurs enquêtes, de leurs questionnements et des solutions imaginaires qu’ils ont trouvées pour répondre à des problèmes encore plus chimériques (une science décidément bien métaphysique).
La deuxième manière de passer les épais murs de roches de la Citadelle de Marseille, c’est de les forcer à grands coups de spectacle vivant, et pour ce faire la programmation estivale du fort Saint-Nicolas nous facilite grandement la tâche. Pour sa cinquième édition, le festival L’Art Attrape profite de la cour de la bâtisse ainsi que de l’étage du fort qui, pour l’occasion, fait office de poulailler, afin de dévoiler une myriade de propositions culturelles tournées autour du spectacle d’art vivant et d’art de la scène. Le festival prend ses quartiers dans ceux de l’ancienne caserne militaire les 6 et 7 juillet, l’occasion de venir savourer son lot de comédie politique et sociale, et de casser, une fois n’est pas coutume, avec le silence religieux que le lieu connaît depuis trop longtemps.
Un joyeux vacarme qui se prolongera tout le mois de juillet et le mois d’août au fil des prestations de haute voltige Candlelight. Les professionnels du concert à la bougie s’apprêtent déjà à draper le fort Saint-Nicolas dans un halo de lumière réconfortante durant trois soirées, respectivement consacrées à la musique d’Abba, de Hans Zimmer et de Vivaldi. Enfin, si vous faites dans l’originalité, que les concerts de chandeliers et les visites théâtralisées ne vous convainquent guère, alors la Citadelle ne vous laisse pas sur le bas-côté et augmente ses BPM avec une sélection de soirées musicales techno, danse et hip-hop de premier choix.
Le mythique collectif Twerkistan vous attend pour trois soirs de danse fiévreuse dont la recette a fait leur renommée, tandis que le groupe de dj Ph4 tente désespérément de rassurer les architectes de la Citadelle sur la survie des pierres centenaires du lieu après la série de sets techno qu’ils vont tenir durant tout le mois d’août. Vous l’aurez compris, en 2024, la Citadelle se libère. Trop longtemps placé sous le joug de la violence monarchique, ce lieu sans pareil à Marseille révèle cet été sa plus belle facette en s’ouvrant à une vie culturelle bouillonnante. Alors nous y sommes, en haut de cette longue montée de calcaire blanc que l’on doit franchir avant de se retrouver devant l’entrée du fort. Et vous, de quelle manière allez-vous rentrer dans la Citadelle ?
Paul Cayre
La Citadelle de Marseille : Montée du Souvenir Français, Marseille 7e.